Jusqu’ici, chacun de nos mouvements s’est développé principalement à l’échelon local, cherchant à conjuguer une réelle implantation régionale avec une volonté de développer un projet national, lié à celui de la gauche anticapitaliste européenne. Après des années de travail en commun autour de forums socialistes de discussion, de la prise en charge d’un bimensuel, de diverses initiatives politiques conjointes et d’échanges réguliers au sein d’une coordination interrégionale, il était temps de franchir une nouvelle étape dans la construction de solidaritéS.


Une base programmatique commune

Ce congrès a permis d’adopter une résolution générale sur la nature actuelle du capitalisme, le sens d’un positionnement anticapitaliste et la nécessité de redessiner un horizon socialiste pour le 21e siècle. Le texte mis en discussion, disponible ici, a donné lieu a des échanges nourris. Il a été voté en tenant compte d’une motion complémentaire, intitulée « La crise imprégnera toutes les activités humaines », qui visait à actualiser le débat en tenant compte de la profondeur exceptionnelle de la crise en cours. Cette motion prévoit notamment l’organisation de débats de fond sur la nature et la signification de cette crise avec d’autres forces et courants se réclamant de l’anticapitalisme au sens large.

Par ailleurs, l’adoption de cette résolution générale et de la motion complémentaire sur la crise a été complétée par le vote de deux résolutions sur les dimensions écosocialiste et féministe de notre projet politique. Sur le premier point, le débat a porté notamment sur les questions du réchauffement climatique, de la décroissance, de la « simplicité volontaire », de la souveraineté alimentaire, de la défense du monde animal, et plus généralement de la réduction du temps de travail et du contenu même du travail. Sur le féminisme, plusieurs échanges ont tourné autour des transformations en cours de la famille, du congé parental et de la co-responsabilité éducative des hommes, sur les femmes migrantes, sur l’homosexualité, etc.). Ces résolutions ont suscité des débats intéressants qui seront approfondis lors de forum socialistes à organiser dans les mois à venir. En attendant les lignes générales de tous ces textes ont été acceptées par le congrès.

Priorités d’interventionUne partie de nos travaux a été consacrée à la discussion de nos principaux chantiers d’intervention dans la période à venir. Une priorité a été donnée à la question du salaire minimum et de la lutte pour un « bouclier social » face à la crise. La question fiscale prendra en particulier une importance considérable, compte tenu des dettes colossales contractées par la plupart des Etats pour venir au secours des banques et de certains secteurs industriels. Plusieurs interventions ont souligné aussi l’importance d’une lutte résolue contre l’impérialisme suisse (contre le secret bancaire et l’action des multinationales helvétiques à l’échelle mondiale). Un amendement a été voté notamment visant l’implication de nos mouvements dans les mobilisations altermondialistes à venir, en particulier contre l’OTAN en avril prochain et le WEF en janvier 2010.

Nos discussions ont abordé aussi les engagements de solidaritéS sur les terrains électoral et institutionnel. Un accord s’est dégagé pour refuser toute forme de programme électoral, parlementaire ou gouvernemental avec les partis socialiste et vert, dont les politiques sont de plus en plus dominées par une orientation sociale-libérale et sécuritaire. Cette délimitation programmatique n’exclut pas, bien entendu, la recherche d’accords sur des mesures concrètes, ponctuelles, que nous entendons, dans toute la mesure du possible, faire assumer aux socialistes et au verts. Elle n’exclut pas non plus des accords techniques, sur le plan électoral, pour faire face à des quorums antidémocratiques.

Une organisation pluraliste et démocratiqueCe congrès a aussi souligné le caractère stratégique de nos alliances avec les autres forces anticapitalistes, qui s’oppose au caractère tactique et ponctuel des accords que nous pouvons passer avec les verts et les socialistes. Ceci dit, de nombreuses interventions ont souligné l’importance d’une culture organisationnelle qui rejette le verticalisme et les arguments d’autorité, qui respecte les divergences et les minorités, parce qu’elle est la seule garantie d’une prise en compte des contradictions du monde réel dans l’élaboration démocratique des décisions de notre mouvement. De ce point de vue, la convergence avec d’autres forces anticapitalistes ne peut en aucun cas se satisfaire d’accords programmatiques si elle ne concorde pas sur une conception démocratique du travail organisationnel.

Enfin, ce congrès s’est conclu par l’élection d’une Coordination interrégionale de 14 membres, dont les tâches seront considérables, pour oeuvrer au développement de notre mouvement, à sa formation politique, à la conduite des campagnes communes que nous avons décidées,  à l’élaboration de statuts nationaux, à la préparation d’un débat systématique sur les conditions de notre action parlementaire (appui à nos élu-e-s, charte les liant aux décisions du mouvement, révocation possible en cas de divergences importantes, etc). Dans ce cadre, l’opportunité de participer à des exécutifs devrait être débattue et des options claires à ce propos arrêtées. Rendez-vous a été pris pour un second congrès dans les dix-huit mois à venir…

Jean Batou