Turquie offensive

Après l’annonce du retrait des troupes des Etats-Unis du Nord-Est de la Syrie, le gouvernement autoritaire et réactionnaire d’Ankara, après avoir bombardé les régions et villes frontalières, a lancé le mercredi 9 octobre  le début de son opération militaire terrestre dans le nord-est de la Syrie, région contrôlée par les Forces Démocratiques  Syriennes (FDS), alliance militaire de combattants kurdes, arabes et assyriens, dominée par les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), branche militaire du mouvement kurde du Parti de l’Union Démocratique (connu sous l’acronyme kurde du PYD), considérées par Ankara comme une organisation « terroriste » en raison de ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

 

 

Plus de 130,000 civils ont fui les régions bombardées et menacées par l’invasion turque, tandis qu’environ 60 civils ont été tués depuis le début de l’agression militaire.

 

L'offensive de l’armée turque est menée en coopération avec des combattants syriens de ladite « Armée nationale syrienne (ANS) », une coalition de groupes réactionnaires et fondamentalistes islamiques, financée et entraînée par la Turquie, qui a déjà commis de nombreuses violations des droits humains, notamment dans la région d’Afrin, occupée par l’armée turque. Des exactions de ces groupes ont d’ailleurs déjà eu lieu contre des civils dans les zones conquises depuis le début des opérations.

Cette opération militaire est la troisième incursion de l'armée turque en Syrie, depuis 2016 : la première, en août 2016, a été intitulée « Bouclier de l'Euphrate » ; la seconde, en janvier 2018, dénommée « Branche d'olivier », a abouti à l'occupation de la région d'Afrin en mars de la même année, entraînant le déplacement forcé de plus de 150 000 personnes, en grandes majorité des Kurdes, et de nombreuses violations des droits humains qui sont toujours en cours.

L’agression militaire s’inscrit dans la continuité de la guerre menée par le gouvernement d’Ankara contre les mouvements de libération kurde et leurs représentant·e·s en Turquie, notamment du Parti démocratique des peuples (connu sous le nom de HDP), et dans les pays voisins. Nous réclamons d’ailleurs la libération d’Öcalan et de toutes et tous les prisonniers politiques en Turquie, et exigeons que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne (UE).

Un autre objectif du gouvernement turc est de transférer de force des réfugié·e·s syriens de Turquie vers les régions situées au nord-est syrien en expulsant de là les populations kurdes. Durant l’été 2019, le gouvernement turc a accéléré ses campagnes d’expulsion forcée de réfugié·e·s syriens. Des milliers d’entre eux-elles ont été déportés en masse ou renvoyés de force sur le territoire syrien depuis la mi-juillet. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs menacé « d’envoyer » des millions de réfugié·e·s syriens de Turquie vers Europe en réponse aux critiques européennes contre son offensive. Ankara instrumentalise une nouvelle fois les réfugié·e·s syriens comme une marchandise politique dans ses relations avec l’Union Européenne, qui est de son côté coupable de maintenir sa politique meurtrière de fermeture des frontières.

L’objectif de la Turquie est d’établir une zone de contrôle le long de sa frontière afin de pouvoir gérer les flux de personnes déplacées, de rapatrier de force les réfugié·e·s se trouvant en Turquie et d’attaquer les forces kurdes du PYD et les FDS afin d’écraser toute forme d’autodétermination kurde à proximité de ses frontières.

Face à la menace d’un nouveau massacre, les FDS ont conclu un accord avec le régime despotique de la famille Assad à Damas, soutenu par Moscou « pour permettre le déploiement de l’armée syrienne près de la frontière turque, afin de faire face à l’agression turque et empêcher qu’elle se poursuive, » selon leurs dirigeants. Comme l’a déclaré Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS, « Nous savons que nous devrons faire des compromis douloureux avec Moscou et Bachar al-Assad si nous décidons de travailler avec eux. Mais si nous devons choisir entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons certainement la vie pour notre peuple », tout en déclarant n’avoir pas confiance dans les promesses des dirigeants syriens et russes…

Le mouvement solidaritéS exprime sa solidarité avec les civils du nord-est de la Syrie et du reste du pays. La population d'Idlib, dans le nord de la Syrie, continue en effet de subir les bombardements aveugles du régime d'Assad, du gouvernement russe et du gouvernement états-unien.

 

Nous condamnons cette nouvelle opération militaire et cette occupation des forces turques dans le nord-est de la Syrie, menée avec la complicité de l’administration Trump. Nous soutenons la résistance populaire des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), qui regroupe des combattant.es kurdes, mais aussi arabes et syriaques, contre cette invasion. Nous rappelons notre soutien à l’auto-détermination du peuple kurde en Syrie, Turquie, Iraq et Iran.

Nous dénonçons également les interventions et la présence d’autres forces étrangères en Syrie (Iran, Russie et Etats-Unis). Toutes ses puissances internationales impérialistes et régionales sont des ennemis de la libération et de l’émancipation des peuples de la région...

Nous rappelons également notre opposition à la dictature du régime syrien du clan Assad et aux mouvements fondamentalistes islamiques, qui constituent les deux principaux camps de la contre-révolution en Syrie.

 

Nous demandons au Conseil Fédéral de ne pas simplement s’arrêter à de timides dénonciations de l’invasion turque, en la caractérisant de « violation flagrante du droit international », mais de prendre des mesures nécessaire pour suspendre l'accord de libre-échange entre la Suisse et la Turquie, qui a été approuvé par le Conseil national au cours de l'été 2019, l’arrêt de ventes et livraisons de matériel de guerre, y compris les produits intermédiaires et les pièces de rechange, à la Turquie, et des sanctions contre les officiels turcs responsables et impliqués dans les opérations militaires en Syrie, et finalement l'ouverture des frontières pour un accueil digne de tous les réfugié-es fuyant les guerres, les persécutions, les catastrophes écologiques et les misères socio-économiques. ".

 

solidaritéS