La Fête du Slip : Féminisme et sexualité en question

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Pour la quatrième année consécutive, Lausanne accueillera la Fête du Slip (FDS) du 4 au 6 mars. Ce festival queer abordera durant 3 jours les questions de sexualitéS, d’identités de genre et d’orientations sexuelles dans une programmation pluridisciplinaire qui mêlera concerts, projections, conférences, arts vivants et visuels et des tables rondes. Au total, 75 artistes et intervenant·e·s internationaux et suisses seront présents. À cette occasion, notre rédaction s’est entretenue avec Viviane Morey, directrice artistique et co-fondatrice du festival

 Le sexe  semble être omniprésent dans notre société aujourd’hui, mais comment expliques-tu qu’il continue d’être un sujet honteux, gênant et stigmatisant notamment dès qu’il s’agit de le questionner ?

C’est une forme très précise de sexualité qui est mise en avant : une sexualité lisse, photoshopée mais surtout hétérocentrée, blanche, jeune, où le corps des femmes est exposé au regard des hommes. Cette exposition de la sexualité est une provocation qui n’en est pas une, c’est une imposture, dans le sens où elle permet une « transgression » qui en fait renforce les idées qui sous-tendent les rapports de pouvoir traversant notre société. C’est l’opium du peuple en termes de genre, si on veut.

Du coup, lorsque l’on décide de questionner les rapports de force entre les gens, entre les genres et, lorsque l’on décide de montrer d’autres sexualités, celles qui sortent du cadre bien-pensant, bienséant de la normativité, évidemment cela dérange ! Parce que c’est une vraie transgression, qui peut potentiellement ébranler la structure sociale que l’on connaît.

Pour la seconde année consécutive, la FDS organise une compétition de porno Internationale. Quel regard porte le festival sur la pornographie, sujet qui fait débat au sein des mouvements féministes, certains courants estimant que la pornographie est dégradante pour les femmes et qu’elle renvoie celles-ci à la subordination sexiste ?

Une vision patriarcale de la société entend que le sexe est du domaine exclusif des hommes. Cela ne signifie pas que les femmes ne s’engagent pas dans des activités sexuelles, bien au contraire, mais plutôt que ces activités sexuelles vont avoir une signification bien différente qu’on soit un homme ou une femme.

De manière hyper-succ­cincte, dans une vision patriarcale, les hommes sont les agents de la dialectique mère-pute, ceux par qui les femmes doivent obligatoirement passer pour aller d’un pôle à l’autre. Dès lors, revendiquer sa sexualité en tant que femme, revendiquer une sexualité qui sorte du cadre de la relation hétérocentrée classique, c’est s’affranchir de ce mécanisme fondateur de la domination masculine.

La majorité des films pornographiques projetés à la Fête du Slip ont été réalisés par des femmes ; des femmes qui se réapproprient une sexualité, une subjectivité (le fait d’être un sujet et non un objet), un rapport au corps selon leurs propres termes. L’auto-définition est au centre des enjeux. Ces femmes pornographes se revendiquent d’ailleurs « féministes ».

En ce qui concerne les mouvements féministes qui disent qu’on ne peut pas faire du porno féministe : comment en effet, peut-on se déclarer féministe et ne pas prendre en considération la parole d’une femme à propos d’elle-même ? La présomption de l’aliénation peut également être un outil d’aliénation

Propos recueillis par

 Maimouna Mayoraz  et  Jorge Lemos 

Programme et infos :
http://www.lafeteduslip.ch/2016/

19 février 2016, 16:06 | Féminisme

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