Le Collectif R a occupé l’université de Lausanne

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Au petit matin du lundi 23 novembre, une vingtaine de migrant·e·s menacé·e·s de renvois dans le cadre des accords de Dublin, accompagné·e·s d’une cinquantaine de militant·e·s du Collectif R, ont investi l’auditoire 1612 du bâtiment Géopolis, sur le campus de l’université de Lausanne. Par une occupation de 4 jours, les militant·e·s du refuge de St-Laurent ont cherché à interpeler la communauté académique, invitant tous ses membres à prendre position en faveur d’une vraie politique d’hospitalité. Cette présence, non violente et pacifique, aura obtenu le soutien de plusieurs milliers de personnes, enseignant·e·s, collaborateurs·trices et étudiant·e·s. À mi-parcours de cette action symbolique, Pierre Conscience, militant du Collectif R, rédige ici un compte-rendu intermédiaire.

 A l’heure où ces lignes sont rédigées, nous entamons notre troisième jour d’occupation d’un auditoire de l’Université de Lausanne. Au vu des discussions que nous avons pu avoir avec le recteur, tout porte à croire que notre présence au sein de ces murs pourra se prolonger jusqu’au terme initialement prévu : le jeudi soir 26 novembre. Ainsi, durant cette semaine, nous aurons mené toute une série d’activités très riches : témoignages, ateliers-­discussions, conférences, débats, projections de films, expositions photo, dans la perspective de sensibiliser et de développer des solidarités actives au sein de cette composante importante de la société civile, et de réfléchir ensemble aux suites de notre lutte.

Pour rappel, le Collectif R a ouvert un refuge dans l’Église de St-Laurent le 8 mars 2015, pour protester contre l’application des accords de Dublin sur des refugié·e·s, ainsi menacé·e·s de renvoi vers des pays qui ne peuvent leur assurer un accueil digne. En effet, ces accords permettent aux autorités fédérales de renvoyer sans même entrer en matière des personnes dans le premiers pays signataire de ce traité, sous prétexte qu’elles y auraient transité.

Dans les faits, la Confédération renvoie des migrant·e·s vers des pays de la périphérie, dans lesquels ils·elles n’ont fait que passer, voire même qu’ils·elles n’ont jamais vu. Dans des pays saturés comme l’Italie, la Pologne, la Hongrie ou encore l’Espagne, les conditions d’accueil prennent dès lors les contours d’une vraie crise humanitaire, avec des besoins primaires tels que l’accès aux soins ou à un logement décent qui ne sont pas toujours assurés. Cette situation apparaît pour le moins inacceptable, au vu de la situation migratoire de l’Europe. Avec plus de 800 000 réfugié·e·s arrivé·e·s cette année sur le continent, la Suisse se joue de ces accords Dublin, profitant de sa position géographique pour reporter son devoir de solidarité et d’accueil sur les pays bordant les frontières de l’Union européenne, complètement dépassés par la situation.

Solidaires de cette lutte et des personnes concernées, près de 3000 personnes ont signé notre manifeste de soutien, demandant au gouvernement vaudois de tout mettre en œuvre pour que la Suisse applique la clause de souveraineté contenue dans les accords Dublin, lui permettant d’intégrer les personnes concernées dans une procédure d’asile ordinaire (au demeurant passablement restrictive, au regard des autres législations européennes).

De plus, au mois de mai de cette année, le Grand Conseil vaudois s’est également prononcé dans ce sens, en demandant la suspension des renvois Dublin vers l’Italie, mais le Conseil d’État a choisi jusqu’à ce jour de rester sourd à ces revendications pourtant légitimes.

Dès lors, résolus à ne pas en rester là, nous avons décidé d’entamer une série d’actions visant d’une part à rappeler l’urgence extrême de la situation – et dès lors l’importance d’agir collectivement en défense des droits de ces personnes – et d’autre part à intensifier la pression sur les autorités cantonales et fédérales. Cette série aura commencé par l’Université de Lausanne.

Durant ces quelques jours de présence sur le campus, nous aurons appelé toutes les personnes intéressées à rencontrer des réfugié·e·s menacé·e·s de renvoi, entendre leurs témoignages, apporter un soutien, participer à des débats et construire une résistance en commun. Car les politiques migratoires de l’Union européenne et de la Suisse ne mettent pas seulement en danger des vies humaines, elles compromettent également notre propre dignité, si nous restons passifs·ves devant ces drames humains. Dans un tel contexte, l’inaction devient coupable !

Nous sommes pour l’heure très satisfait·e·s de notre démarche ! Avec des centaines de membres de la communauté universitaire participant aux activités prévues, avec un programme s’enrichissant chaque jour de contributions supplémentaires, provenant tant d’enseignant·e·s que d’étudiant.e.s, et avec d’ores et déjà plusieurs dizaines de personnes intéressées à rejoindre le Collectif R, nous sortirons renforcé·e·s de ces murs, et réfléchissons déjà à réitérer ailleurs une telle expérience.

En attendant, le refuge de St-Laurent continue d’apporter une protection à une petite dizaine de migrant·e·s menacé·e·s de renvois Dublin, et à visibiliser la lutte du Collectif R. Nous vous invitons toutes et tous à nous rejoindre, en participant à nos activités publiques, en rejoignant nos assemblées hebdomadaires, les jeudis à 19 h dans la salle de paroisse de l’église, ou simplement en venant de tant en tant assurer une présence dans ces lieux. Pour ce faire, n’hésitez pas à prendre contact avec nous !

La lutte continue !


Pierre Conscience

 

3 décembre 2015, 13:55 | Immigration/racisme / Vaud

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