RIE3 : Entretien avec Sébastien Guex

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«  On réalise ici à quel point la RIE III est une gigantesque arnaque : sous prétexte d’éviter 2 à 3 milliards de pertes fiscales virtuelles, les autorités suisses veulent faire passer un cadeau fiscal réel de quelque 5 milliards.  »

Dans le canton de Vaud, un référendum est lancé contre la troisième Réforme de l’imposition des entreprises par le Comité « Touche pas à mes services publics ». 12 000 signatures doivent être récoltées d’ici au 1er décembre sans quoi cette réforme sera mise en œuvre sans le moindre débat démocratique et sans que la population concernée puisse se prononcer.

L’enjeu est crucial pour les vaudois·e·s. Les cadeaux fiscaux prévus pas la réforme à l’intention des grandes entreprises entraîneront une diminution de 500 millions de francs de recettes fiscales pour le canton. Comment ces pertes seront-elles compensées ? Sans aucun doute par une augmentation des impôts payés par les salarié·e·s (comme on le voit déjà Schwyz) et par des coupes dans les services publics. Afin de mieux comprendre les enjeux de cette réforme, nous nous sommes entretenus avec Sébastien Guex, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lausanne et spécialiste de l’histoire financière de la Suisse aux 19e et 20e siècle. 

Quelles sont les différentes étapes dans la mise en œuvre du projet de troisième Réforme de l’imposition des entreprises et quel rôle joue le canton de Vaud à cet égard ?

Le 5 juin 2015, le Conseil fédéral a adopté le projet de 3e Réforme de l’imposition des entreprises, désignée désormais comme la RIE III (voir le Message du Conseil fédéral du 5 juin 2015). Les Chambres fédérales vont probablement commencer la discussion de la RIE III durant l’hiver 2015–2016 et peut-être arriver à se mettre d’accord dans un délai d’une année ou une année et demie. Il y aura probablement un référendum national de sorte que, si elle est acceptée, la RIE III entrerait en vigueur au plus tôt en 2018. Selon le projet, les cantons auraient ensuite quelques années pour s’adapter.

La très grande majorité des autorités cantonales va attendre cette entrée en vigueur pour prendre des mesures. Mais ce n’est pas le cas du Gouvernement vaudois qui comprend une majorité de représentant·e·s du Partis socialiste et des Verts.

En effet, le 2 juillet dernier, le Conseil d’Etat vaudois a décidé d’adopter un projet qui, sans même attendre que la discussion aux Chambres ait commencé, veut appliquer l’une des mesures majeures prévues par le projet fédéral de RIE III, c’est-à-dire une baisse massive – de 60 % – du taux d’imposition sur le bénéfice, cela pour toutes les entreprises dans le canton, dès 2019. En clair, le Gouvernement vaudois a décidé de jouer les béliers pour faire passer en force la RIE III.

Comment qualifierais-tu l’ampleur de cette réforme  ? 

Ce qui est en train de se passer est crucial. De nombreux personnages l’ont relevé : le fiscaliste Xavier Oberson a déclaré que la RIE III était un big bang ; Pascal Broulis a parlé de « la plus grande réforme fiscale depuis les années 1940 » ; le patron des patrons romand Yvan Slatkine a parlé « d’enjeu fondamental ». Je suis d’accord avec eux : la RIE III et le projet du Gouvernement vaudois sont le plus injuste et le plus formidable projet fiscal jamais concocté en Suisse en faveur du patronat et des actionnaires et contre la grande majorité de la population suisse ainsi que contre la population des autres Etats…

N’est-ce pas justement pour éviter de heurter les autres Etats que le projet de réforme a été adopté ? Celui-ci ne vise-t-il pas effectivement à abolir les privilèges fiscaux tant décriés par l’OCDE et l’UE ? 

Pas du tout. Je m’explique. La Suisse est le plus vieux paradis fiscal du monde. Dès la fin du 19e siècle, le patronat et les milieux dirigeants suisses mettent en place une politique de dumping fiscal, c’est-à-dire de concurrence fiscale déloyale, vis-à-vis des autres Etats afin d’attirer en Suisse de riches étrangers et leur fortune, ainsi que des entreprises étrangères. Cette politique, qui s’apparente à une escroquerie ou un vol en bande organisée, prive les autres Etats de très substantielles recettes fiscales et donc cela a suscité tout au long du 20e siècle jusqu’à aujourd’hui de très nombreux conflits entre les autorités étrangères et les milieux dirigeants suisses.

Depuis quelques années, l’OCDE et l’UE exercent une pression croissante pour que les autorités helvétiques s’engagent à supprimer certains privilèges fiscaux qui ont été accordés à certains types de sociétés pour les attirer en Suisse, principalement aux holdings et aux sociétés administratives. Les holdings sont les sociétés mises sur pied par les grands capitalistes pour gérer les participations qu’ils·elles détiennent dans de nombreuses autres sociétés. Les sociétés administratives sont des sociétés qui ont en Suisse une activité uniquement administrative (sociétés de domicile) – par exemple opérer tous les achats d’un groupe multinational – ou une activité administrative et une activité commerciale, mais marginale (société mixte).

Le projet de RIE III édicté par le Conseil fédéral le 5 juin dernier s’engage à abolir ces privilèges. Sur ce point tu as raison et, jusque-là, pas grand-chose à dire. On pourrait être content du fait que les autorités suisses soient enfin contraintes de mettre fin à cette gigantesque escroquerie commise à l’égard des autres Etats et de leurs populations.

Mais les choses ne tournent hélas pas ainsi. On ne peut donc pas du tout se réjouir, au contraire ! En effet, si d’un côté la RIE III prévoit la suppression des privilèges fiscaux critiqués par l’UE, de l’autre, elle a pour objectif d’introduire une série impressionnante de nouveaux cadeaux fiscaux pour les entreprises, c’est-à-dire pour les dirigeants et les actionnaires de ces entreprises.

L’objectif de la RIE III n’est donc pas simplement de maintenir la compétitivité fiscale de la Suisse mais est beaucoup plus ambitieux : il s’agit de renforcer le dumping fiscal que la Suisse livre à l’échelle internationale. Le CF le dit clairement dans son Message du 5 juin 2015 sur la Réforme : « […] la présente réforme entend introduire des mesures fiscales permettant de renforcer la position du site entrepreneurial suisse au sein de la concurrence fiscale internationale » (p. 4635). Et pour se faire comprendre, le CF annonce déjà maintenant que la troisième Réforme sera suivie d’une quatrième : on « doit s’attendre à […] d’autres réformes de l’imposition des entreprises » (p. 4632).

En résumé, qu’est-ce que cela signifie ? 

A ce stade, on peut tirer deux conclusions :

Premièrement, les conflits entre la Suisse et les grandes organisations internationales, l’OCDE ou l’UE, ne vont donc pas s’aplanir avec la RIE III. Au contraire, celle-ci va les renforcer ! Est-ce une politique sage d’accroître ces tensions ?

Deuxièmement, la Réforme III n’est qu’une étape vers la Réforme IV puis la V. Autrement dit, si la RIE III passe, et d’autant plus si elle passe comme une lettre à la poste, cela stimulera l’octroi de cadeaux fiscaux supplémentaires au patronat et aux actionnaires ! Il faut absolument tenter de mettre un cran d’arrêt à cette mécanique infernale, il faut donc absolument lancer le référendum contre la RIE III.

Quelles sont les principales mesures prévues par la RIE III?

Il y en a essentiellement cinq:

(1) L’introduction obligatoire par les cantons d’un premier et nouveau privilège fiscal pour les entreprises : la dite Patent Box. En clair, la part des bénéfices des sociétés provenant de patentes, de brevets et de droits analogues, pourra être largement déduite des bénéfices soumis à l’impôt. La définition de ce type de bénéfices est non seulement vague mais laissée aux bons soins du CF : elle pourra donc prendre une extension considérable et dépasser sans doute largement ce qu’on entend généralement par un brevet.

Pour de nombreuses sociétés, en particulier dans la chimie, les biotechnologies, l’informatique ou l’alimentation cela signifie concrètement que le taux d’imposition spécial très bas dont elles bénéficient actuellement ne sera pas modifié, mais restera tout aussi bas (pp. 4641–4643). Des experts ont calculé qu’en fonction de cette seule Patent Box, de nombreuses sociétés bénéficieront d’un taux d’imposition cantonal sur leurs bénéfices inférieur à 1 % (NZZ, 13 octobre 2015).

(2) La RIE III prévoit un second privilège fiscal, également nouveau et tout aussi exorbitant : les entreprises pourront déduire de leurs bénéfices les dépenses consacrées à la Recherche et au Développement (R&D) de produits ou de services, et cela dans une proportion pouvant aller jusqu’au double, voire au triple de ces dépenses. Autrement dit, une société qui a dépensé 10 millions en R&D pourrait non seulement déduire 10 millions, mais 20 ou 30 millions de ses bénéfices (pp. 4644–4645 et 4698).

Cette mesure s’ajoute à la Patent Box. Cela signifie que, toujours selon les experts, avec cette seconde disposition, de nombreuses sociétés vont pouvoir déclarer des pertes, même si elles ont dégagé des profits élevés, et donc ne payer strictement aucun impôt sur le plan cantonal. (NZZ, 13 octobre 2015) Le Ministre « socialiste » des Finances du canton de Neuchâtel l’admet d’ailleurs ouvertement : la RIE III multiplie les risques, déclare-t-il, que maints cantons « abandonnent pratiquement l’impôt cantonal » sur les entreprises. (Le Temps, 25 septembre 2015)

Attention, il est très important de retenir que le CF laisse le choix aux cantons d’introduire ou non ce privilège fiscal. Et ce n’est pas fini : en cas d’introduction, comme le dit le Message du CF du 5 juin, « il appartien[dra] aux cantons de déterminer les dépenses qui sont déductibles » (p. 4698) en matière de R&D. La RIE III offre donc aux cantons la possibilité d’accorder de très volumineux cadeaux fiscaux aux entreprises et de conclure toutes sortes d’accords avec ces dernières, ce qui va renforcer la concurrence fiscale à laquelle ils se livrent déjà.

 

(3) La RIE III prévoit la suppression du Droit de timbre sur l’émission de capital propre. En clair, l’impôt perçu lorsque les entreprises augmentent leur capital sera supprimé, une mesure qui ne bénéficie quasiment qu’aux grandes sociétés et n’a pratiquement rien à voir avec la suppression des privilèges fiscaux demandés par l’UE (pp. 4646–4647).

 

(4) Quatrièmement, il y a de fortes chances que la droite réintroduise dans la RIE III un autre et formidable cadeau, mais en laissant le choix aux cantons de l’appliquer ou non : la déduction des intérêts notionnels. Toutes les sociétés en Suisse, y compris les sociétés ordinaires, devraient être autorisées à défalquer de leurs bénéfices imposables un montant correspondant au taux d’intérêt fictif que les capitalistes auraient obtenu sur une partie – la partie dite « superflue » – du capital de leur entreprise si, au lieu de placer ce capital dans leur entreprise, ils l’avaient placé sur le marché des capitaux. Cette mesure est justifiée au nom de l’idée – toute capitaliste – que puisque cette partie du capital-actions de leur entreprise est superflue, c’est-à-dire ne serait théoriquement pas nécessaire au fonctionnement de leur entreprise, ils ont droit à une sorte de dédommagement, de l’ordre de 600 millions !

(5) La RIE III prévoit que les cantons vont massivement baisser leur taux d’imposition sur les bénéfices de toutes – je répète toutes – les sociétés et, pour compenser en partie les gigantesques trous que cette baisse va provoquer dans les caisses cantonales et communales, le CF prévoit de verser environ 1 milliard aux cantons.

C’est cette cinquième mesure qui va être au centre de nos préoccupations. Je vous l’ai déjà dit, sans attendre même le début de la discussion aux Chambres sur le projet de RIE III – sans même parler d’attendre si elle sera acceptée ou rejetée dans un référendum national – le Gouvernement vaudois veut faire passer au forceps une diminution du taux cantonal et communal net d’imposition des bénéfices des entreprises établies dans le canton de 14,5 % actuellement à 6 % en 2019. En clair, les propriétaires et actionnaires, essentiellement des grandes entreprises, paieront environ 60 % de moins d’impôt sur le bénéfice.

Comment le Conseil fédéral, le Gouvernement vaudois, le patronat et tous les partisans de la RIE III, justifient-ils de tels cadeaux ?

Ils ont en tout et pour tout un argument : l’OCDE et l’UE nous obligent à supprimer les privilèges fiscaux dont bénéficient les holdings et sociétés administratives en Suisse. Cela signifie qu’elles devront payer, dans plusieurs cantons dont Vaud, Genève ou Bâle, beaucoup plus d’impôts. Par conséquent, les sociétés d’origine étrangères vont toutes, ou presque toutes, retourner à l’étranger. Et, fin du raisonnement, ça entraînera quoi, bien évidemment, une catastrophe: sur le plan des finances publiques, il est affirmé que cela créerait une perte de recettes estimées entre 2 et 3 milliards de francs pour la Confédération, les cantons et les communes. Au plan de l’emploi, cela menacerait des milliers de postes. On parle de 5000 emplois directs et 25 000 emplois indirects.

Je te vois très sceptique. Tu ne crois manifestement pas du tout que les sociétés étrangères vont filer à l’étranger si l’on supprime les privilèges fiscaux ? 

Effectivement, je n’y crois pas. Nombreuses des affirmations des autorités et du patronat sont fausses ou purement fantaisistes. J’aimerais souligner deux contre-­arguments primordiaux.

Premièrement, tous les privilèges ne sont pas abolis. Les autorités fédérales se sont engagées, vis-à-vis de l’UE, à supprimer certains privilèges fiscaux, mais pas tous. Par exemple, les cantons continueront à pouvoir conclure de généreux deals fiscaux avec les entreprises présentes, notamment dans le cadre de la Loi sur la politique régionale. C’est très important : un Rapport du Contrôle fédéral des Finances de février 2012 montre l’incroyable ampleur des deals fiscaux conclus par les administrations fiscales cantonales et les entreprises.

Deuxièmement, les partisan·ne·s de la RIE III basent leurs calculs sur le présupposé suivant : en cas de suppression des privilèges fiscaux, au moins 80 % des sociétés concernées quitteront la Suisse. Mais il s’agit d’un présupposé, d’un axiome qui est hautement contestable pour les raisons suivantes :

  • la plupart de ces sociétés ne quitteront pas la Suisse : d’une part, elles y trouvent de nombreux autres avantages que la fiscalité ; d’autre part, elles quitteront dans certains cas un canton, mais pour aller dans un autre canton à la fiscalité plus avantageuse, par exemple Vaud ou Genève pour aller à Neuchâtel ou Zoug ou Lucerne. Et ce n’est pas un si grave problème pour Vaud qui récupérera une large partie des recettes fiscales perdues par le mécanisme de la péréquation financière intercantonale.
  • Une étude publiée en novembre 2014 par La Vie Economique – l’organe officiel du Département fédéral de l’Economie publique – trouve donc le scénario des 80 % très peu plausible. Elle part de l’hypothèse – qu’elle juge réaliste – que si 50 % des sociétés spéciales quittent la Suisse, les recettes des collectivités publiques ne diminueront pas mais augmenteront car les sociétés qui resteront seront désormais imposées à un taux normal, c’est-à-dire plus élevé, et rapporteront davantage de recettes fiscales.
  • Enfin, et c’est très important, lorsque les privilèges fiscaux des sociétés à statuts spéciaux seront supprimés, en 2018 ou 2019, il est de toute façon prévu qu’elle pourront bénéficier d’un mécanisme d’imposition de leurs réserves latentes et de leurs revenus issus du dit goodwill qui leur permettra de bénéficier, pendant encore 5 ans, du taux d’imposition très bas dont elles bénéficient aujourd’hui.

Il n’y a donc strictement aucune urgence à décider dès maintenant une baisse massive de l’imposition des bénéfices, comme le veut le Gouvernement vaudois. Autrement dit, ce n’est pas avant 2023 ou 2024 que les sociétés à statuts spéciaux verraient leurs impôts augmenter dans le canton de Vaud. Les autorités vaudoises ont tout le temps d’attendre quelques années et de voir ce qu’il se passe dans la réalité, pas de peindre un diable fantasmé sur la muraille. De ce point de vue, leur précipitation est irresponsable, raison de plus à la nécessité de faire aboutir le référendum.

Admettons que le CF ait raison et que 80 % des sociétés à statuts spéciaux quittent effectivement la Suisse. Les pertes fiscales pour l’ensemble des collectivités publiques seraient, selon ses estimations, de 2-3 milliards. C’est énorme ! Est-il raisonnable de ne pas envisager cette option et ses conséquences en matière d’emploi ? 

Quel est le coût de la RIE III ? Quelles pertes de recettes les nombreux cadeaux fiscaux qu’elle prévoit vont-ils entraîner ? De manière pour le moins étrange, le Conseil fédéral n’articule, cette fois-ci, quasiment aucune estimation. Devenu tout d’un coup d’une rigueur scientifique qu’il faut saluer, le CF affirme que les hypothèses fiables lui manquent pour cela.

Il ose cependant une estimation, concernant la baisse des recettes fiscales entraînées par la RIE III pour la Confédération : 1,3 milliard. Admettons, même si le chiffre réel sera sans doute beaucoup plus élevé.

Prenons les cantons : on dispose de deux chiffres officiels, venant de Genève et Vaud : les autorités des deux cantons disent que la seule baisse de leurs taux d’imposition entraînera pour chacun un manque à gagner d’environ 500 millions. Cela fait 1 milliard au total. Mais ces autorités « oublient » les pertes qui seront entraînées par la Patent Box et la déduction, des bénéfices, des dépenses liées à la R&D. Ces pertes atteindront sans doute des centaines de millions, mais prenons une hypothèse basse, soit 100 millions pour chacun des deux cantons. Cela donne au total une perte fiscale de 1,2 milliard pour les seuls cantons de Vaud et Genève.

Continuons, toujours en prenant des hypothèses basses : le manque à gagner pour la totalité des cantons restants atteindra le même montant que pour les seuls Vaud et Genève, soit 1,2 milliard.

Enfin, ajoutons encore les pertes attendues au plan communal : l’Union des Villes suisses a estimé les pertes fiscales pour les communes à 1,3 milliard.

Au total, une estimation prudente parvient donc au résultat que la RIE III va provoquer des trous dans les caisses publiques d’un ordre de grandeur de 5 milliards.

On réalise ici à quel point la RIE III est une gigantesque arnaque : sous prétexte d’éviter 2 à 3 milliards de pertes fiscales virtuelles, les autorités suisses veulent faire passer un cadeau fiscal réel de quelque 5 milliards.

Quel impact  cette réforme pourrait-elle avoir sur la fiscalité des cantons ? 

La RIE III va relancer massivement la concurrence fiscale à laquelle se livrent les cantons. Qui peut croire un instant que Vaud puisse baisser massivement son taux d’imposition des bénéfices, accorder des Patent Box ainsi que des déductions pour la R&D sans être aussitôt imité par les autres cantons.

A Genève, Xavier Oberson justifie déjà la nécessité de baisser l’imposition des bénéfices dans son canton en déclarant : « Si vous avez un taux d’imposition de 24 % à Genève et de 13,8 % dans le canton de Vaud, par exemple, des entreprises n’hésiteront pas à déménager » (Le Temps, 14 octobre 2015). Le patronat se frotte les mains et ne s’en cache même pas. Marco Salvi, de Economiesuisse, dit que la RIE III va provoquer « un mouvement à la baisse et un renforcement de la concurrence » fiscale entre cantons (Le Temps, 25 septembre 2015).

Ne penses-tu pas que la croissance helvétique est suffisamment soutenue pour assumer une telle réforme ? 

Toute l’économie mondiale est sur le bord d’un volcan. L’économie chinoise, qui est depuis 2008 le seul moteur à l’échelle mondiale, ralentit et va entrer tôt ou tard dans une récession, si ce n’est une profonde crise. Les effets s’en font déjà ressentir dans les finances de nombreux cantons et communes, par exemple dans le canton de Genève qui clôturera sur un déficit très probablement supérieur à 200 millions en 2015. Toutes les prévisions de pertes de recettes fiscales présentées par le Conseil fédéral ou les autorités de Vaud et Genève sont faites sur la base de taux de croissance relativement élevés, mais il est évident que si la Suisse entre en récession dans un avenir proche, les déficits dûs à la RIE III seront infiniment plus élevés. Ce ne sera pas quelque chose comme 600 millions pour le canton de Vaud, mais peut-être le double.

Et qui paiera ces déficits ? 

La réponse est simple : les salarié·e·s, la grande majorité de la population. D’un côté, les plans d’austérité massive sont déjà dans les pipe-lines. Les plus faibles – les pauvres, les migrant·e·s, les requérant·e·s d’asile – ainsi que les employé·e·s de l’Etat, les services publics, les subventions sociales, seront les premiers touchés. De l’autre, les impôts payés par les salarié·e·s seront relevés. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est en train de se produire dans un canton qui se trouve en grave déficit parce qu’il a multiplié les cadeaux aux grandes entreprises et aux riches durant cette dernière décennie, Schwyz. Dans ce canton, les impôts de Madame et Monsieur tout-le-monde vont être augmentés de 17 % (!) en 2016. Et cette mesure ne réduira le déficit que de moitié. Cela n’empêchera donc même pas de sévères plans d’austérité. (Le Temps, 25 septembre 2015).

 

Propos recueillis par solidaritéS Vaud
le 16 octobre 2015

 

11 novembre 2015, 20:16 | Réforme de l’imposition des entreprises / Vaud

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