Un jeune iranien de 13 ans menotté par la police pour être renvoyé avec sa mère en Italie, délit d’inhumanité dans le canton de Vaud ?

Interpellation déposée au Grand Conseil vaudois le mardi 7 janvier 2014 par Jean-Michel Dolivo (La Gauche, POP–solidaritéS)

Le 4 décembre 2013, voilà ce qui s’est passé dans le foyer de l’EVAM à Valmont, Lausanne, selon le témoignage de la maman du jeune iranien (né le 05.11.2000), et quelles ont été les conditions du renvoi de cette mère et de son fils en Italie :

« C’était à 6h du matin. Huit policiers sont venus, quatre étaient en uniforme. Mon fils et moi nous dormions. La police nous a demandé de descendre du lit. Ils ont attrapé mon fils violemment par le poignet de l’ont forcé à baisser la tête en faisant une pression sur sa nuque. Ils l’ont tiré avec brutalité dans le couloir. Ils ne nous ont pas laissé nous habiller. Mon fils portait un tee-shirt et un short. J’avais un tee-shirt et un training. Nous n’avions rien aux pieds. Les policiers ont mis les chaussures de force à mon fils et l’ont poussé. Les voisins ont essayé de nous aider mais les policiers les ont repoussés. Ils nous ont passé les menottes à mon fils et à moi.

Les policiers ont refusé que j’emmène mon appareil auditif alors que j’ai déposé plusieurs documents au dossier qui expliquent que je souffre de surdité. Les policiers ont pris des affaires au hasard et les ont jetées dans un sac. Mon fils a demandé plusieurs fois qu’on lui enlève les menottes mais les policiers ont refusé.

Avant d’entrer dans l’avion j’ai demandé d’aller aux toilettes mais on m’a refusé. Ils m’ont attaché les mains sur une ceinture et ils m’ont mis les menottes aux pieds également. J’étais très calme mais les policiers étaient violents et agressifs. J’ai perdu connaissance. Ils ont appelé quelqu’un qui est venu avec un uniforme de médecin. Je n’ai pas pu communiquer avec lui. Après, deux policiers m’ont soulevée chacun par un bras et m’ont tirée jusqu’à l’aéroport. Dans l’avion nous n’étions pas ensemble. J’étais à l’arrière et mon fils était à l’avant. J’étais effroyablement inquiète et en état de choc. En outre je n’ai plus pu me retenir et je suis arrivée souillée à l’aéroport en Italie. Mon fils a demandé d’être avec moi mais ils ont refusé. Il n’y avait aucune raison qu’ils refusent cela. Nous avons été brutalisés et humiliés.
Arrivés en Italie, la police nous a donné une adresse. Nous n’arrivions pas à trouver cette adresse. Je n’avais pas de plan, ne parle pas italien et je n’avais pas d’argent. Dans un parc, nous avons rencontré des iraniens, des afghans. Ils nous ont montré une espèce de camping où se trouvent les immigrants. Il y avait des tentes et beaucoup de monde. Il n’y a aucune organisation pour accueillir les gens. Nous étions dans une tente avec d’autres familles qui avaient des enfants. Les gens se débrouillaient pour cuire des spaghettis. Je n’ai pas vu de douche. Il y avait des toilettes sales. Nous sommes restés quatre nuits dans cet endroit puis des gens nous ont donné de l’argent pour prendre le train pour Lausanne. Ce n’était pas possible pour moi de rester dans cet endroit avec mon fils. Nous sommes très choqués par ces événements. Je n’ai pas fini mes soins médicaux. Je devais être opérée encore d’une oreille. »

Madame B. et son fils de 13 ans ont demandé l’asile en Suisse le 3 avril 2013. Par décision du 24 juin 2013, l’ODM a ordonné l’exécution du renvoi en Italie en application des accords de Dublin aux motifs que Mme B. était entrée en Europe munie d’un visa délivré par une représentation diplomatique italienne. Dans son recours du 2 juillet 2013, Mme B. a expliqué qu’elle a obtenu le visa italien par l’intermédiaire d’un passeur mais qu’elle n’a jamais vécu en Italie. Elle n’y a aucune famille ni aucune connaissance et ne parle pas l’italien. Elle n’a aucun lien avec ce pays. Par arrêt du 8 juillet 2013, le TAF a rejeté le recours. Précisons qu’un certificat médical du 5 juillet 2013 atteste que Mme B. doit subir deux interventions chirurgicales à l’oreille le 29 août et le 5 septembre 2013, pour le soin de sa surdité bilatérale « de degré sévère ». Un certificat médical du 10 juillet 2013 atteste que Mme B. suit actuellement une psychothérapie de soutien. Elle souffre d’un syndrome de stress post traumatique en raison des événements vécus dans le passé et elle se trouve actuellement dans un état d’extrême fragilité psychique de sorte que le suivi est absolument indispensable. Une attestation du CHUV atteste que Mme B. a été hospitalisée le 12 septembre 2013 pour une intervention chirurgicale à l’oreille.

Une lettre des enseignants de l’enfant M., du 10 octobre 2013, atteste que celui-ci est bien intégré à l’école. Il fait preuve d’un très bon comportement, c’est un élève gentil et respectueux. Il est un élève brillant, qui comprend et intègre très vite les nouvelles notions et qui a rapidement appris le français et rejoint le groupe des élèves avancés. La collaboration avec la mère est exemplaire. Elle suit de très près la scolarité de son fils.

Mme B. a précisé ses motifs d’asile : Elle explique qu’elle s’est convertie au christianisme ce qui est interdit en Iran et est puni de la peine de mort ou de la prison. Mme B. a imprimé des articles tirés d’internet et les a donnés à ses amies et collègues de travail. Elle a pu se procurer une bible en perse qui est un livre interdit en Iran. Elle a placé un autel dans sa chambre et a organisé des rencontres religieuses avec ses amies, parce qu’il leur est interdit de fréquenter une église. Une de ses amies voulait que son mari participe à ces rencontres ou partage sa nouvelle foi et elle lui a révélé l’existence de ce cercle d’amies. Cet homme est un membre des miliciens Bassidj, qui sont actifs en soutien aux forces locales depuis la révolution islamiste. Il est par ailleurs employé à l’aéroport. Le 6 février 2013, Mme B. s’est rendue à Gorgan pour une fête de mariage. En son absence, sa maison a été fouillée, en présence de sa mère, par le mari de son amie accompagné de deux autres hommes. Ils ont tout emporté : l’autel et les accessoires, l’appareil photo, l’ordinateur portable, la bible et d’autres documents imprimés depuis internet. Les hommes ont dit à sa mère que Mme B. devait se présenter au centre Bassidj ou au journal Ettela’at. Mme B. a rappelé une amie pour qu’elle l’aide. Elle lui a proposé de se rendre à Ghazvin où elle a rencontré un parent de cette amie qui l’a hébergée quelques temps. Son amie l’a aidée à quitter le pays.
Une demande de reconsidération de la décision de renvoi en Italie a été déposée le 10 décembre 2013 au nom de Mme B. et de son fils par le Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE).

Le député soussigné pose les questions suivantes au Conseil d’Etat :

• Est-il admissible qu’un mineur âgé de 13 ans soit menotté et traité de manière aussi brutale dans le cadre d’un renvoi forcé en Italie ?

• Est-il admissible qu’une femme renvoyée de force ne puisse pas prendre avec elle son appareil auditif, alors même que les autorités sont au courant qu’elle souffre de « surdité bilatérale de degré sévère » ?
• Est-il admissible que les autorités de police agissent avec une telle brutalité et une telle inhumanité vis-à-vis d’une mère et de son fils ?

• Est-il admissible que soient renvoyés en Italie des personnes aussi vulnérables que Mme B. et son fils M., alors que l’on sait très bien qu’il n’existe pas de conditions d’accueil, un tant soit peu correctes, pour les migrant-e-s, requérant-e-s d’asile, dans ce pays  et que les risques de mauvais traitements faute de conditions d’accueil sont importants?

• Le canton de Vaud étant en charge de l’exécution des renvois, que font les autorités cantonales vis-à-vis des autorités fédérales pour que cessent de tels renvois en Italie et que la Suisse fasse application de sa clause de souveraineté ?

14 janvier 2014, 11:52 | Antiracisme / Education / Grand Conseil / international / Lausanne / Logement / National / Santé / Vaud

Trackback URI | Comments RSS

Répondre

This blog is kept spam free by WP-SpamFree.