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A la différence de l'initiative « Pour une caisse maladie unique et sociale », refusée par une majorité du peuple en 2007, la modification de l'article constitutionnel 117 proposé par le texte « Pour une caisse publique d'assurance maladie » ne concerne que l'organisation des caisses maladies elles-mêmes, à savoir « la mise en œuvre par une institution nationale unique de droit public » composée de représentants de la Confédération, des cantons, des as­suré·e·s et des fournisseurs de prestations. Les agences cantonales ou interrégionales gèrent l'encaissement des primes fixées par canton, « sur la base des coûts de l'assurance maladie sociale » et paient les prestations. Il n'est plus question de primes tenant compte du revenu des as­suré·e·s, avec l'argument qu'il faut élargir le soutien avec un projet plus ciblé.

 

En faisant ce choix, le Parti socialiste suisse, auteur de l'initiative soumise à la votation du 28 septembre prochain, a renoncé à l'un des enjeux les plus importants dans le domaine de l'assurance maladie, à savoir un financement plus social de notre système de soins. Rappelons que la Suisse pratique le financement « par tête », soit le plus antisocial d'Europe, faisant peser l'essentiel de la charge financière directement sur les ménages, charge d'autant plus lourde que les revenus sont moindres. Il est vrai que le peuple n'a pas voulu changer ce type de financement lors de la précédente votation.

La réforme proposée apporte des changements structuraux dans l'organisation de l'assurance maladie qui vont dans le bon sens : un contrôle démocratique de proximité, plus de transparence, la fin de la chasse aux bons risques, la fin des réserves hors contrôle, une corrélation directe entre les primes et les coûts des prestations, la garantie du libre choix des prestataires de soins, la fin du gaspillage par des dépenses publicitaires inutiles ainsi que la fin des dépenses liées aux changements de caisse maladie.

Avec la caisse publique, nous aurons : une vingtaine d'agences cantonales ou régionales, assurant un mode de gestion démocratique de tous les acteurs concernés, alors que le système d'assurance actuel avec sa soixantaine de compagnies privées donne de fait le plein pouvoir discrétionnaire et arbitraire aux assureurs. L'exemple des réserves et leur manipulation par les assureurs à des fins politiques est le plus criant abus : plus de 4,5 milliards en 2012. Les réserves ont été utilisées par les assureurs pour dissimuler et retarder l'augmentation prévue des primes avant la dernière votation sur la caisse maladie unique et sociale. Depuis 1996, plus d'1,7 milliard de primes ont été encaissés en trop jusqu'en 2012, dans différents cantons, parfois au profit d'autres cantons selon le bon vouloir des assureurs. Un plan de remboursement très partiel a dû être adopté par le parlement fédéral. La caisse publique réduira les réserves à leur strict nécessaire (1,5 milliards) et supprimera les autres dépenses inutiles, comme celles liées aux changements de caisses. Les frais administratifs liés à la gestion (1,2 milliard en 2012) pourront être réduits de moitié.

Cette initiative a rencontré un plus large soutien que la précédente, en particulier dans les milieux des professionnels de la santé et au sein de plusieurs partis gouvernementaux de droite. L'apologie de la concurrence et la lutte contre le prétendu diktat étatique sont les seuls arguments assénés à coup de millions par les opposants à l'initiative, les assureurs maladie puisant dans l'argent des primes encaissées pour contrer l'initiative, bafouant les règles fixées par les autorités fédérales. Pourtant la concurrence entre les caisses ne fonctionne pas, même si les assureurs ont démultiplié l'offre de primes. Et pour cause : la chasse aux bons risques a nécessité la mise en place d'un fonds de compensation des risques de 1,5 milliard de francs alors que les prestations dans l'assurance de base sont couvertes obligatoirement et que les tarifs sont les mêmes pour tous les assureurs. L'autre volet concerne les différentes sortes de franchises qui font porter injustement le risque financier à la charge des as­su­ré·e·s. Le projet soumis au peuple permet, lui, de conserver les incitations financières des réseaux de soins.

Le libéralisme (comprenez capitalisme) en matière de santé n'a fait qu'accroître les inégalités face aux soins et n'a aucune prise sur la hausse des coûts. Il fait régner l'arbitraire le plus total des assureurs privés, avec le risque évident de privilégier les critères d'économie sur la qualité des prestations et de renforcer la médecine à plusieurs vitesses, ainsi que le rationnement de certaines prestations, en particulier pour les maladies chroniques.

Avec la caisse publique, contrairement aux mensonges de ses détracteurs, le nouveau système d'assurance maladie coûtera moins cher, les primes pourront enfin baisser et la bataille pour un financement plus social de l'assurance maladie sera facilitée.

Gilles Godinat