Contre la RIE 3, construisons le front anti-austérité !

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En septembre 2010,  le Conseiller d’Etat socialiste Jean Studer, aujourd’hui président du Conseil de banque de la BNS, avait fait passer une baisse de moitié de l’imposition des bénéfices des entreprises du canton de Neuchâtel. Neuf mois plus tard, le référendum, porté notamment par solidaritéS, échouait avec 23 % de non, face à un front commun des socialistes des verts et de la droite, qui assurait que cette baisse des taux se traduirait in fine par une hausse des rentrées fiscales. Aujourd’hui, les villes de Neuchâtel et de la Chaux-de-Fonds font leurs comptes : elles ont perdu respectivement 15 et 10 millions de recettes fiscales, et le canton connaît un recul préoccupant du rendement de l’impôt.

Ensuite, ça a été le tour du canton de Vaud: Pascal Broulis (PLR) et Pierre-Yves Maillard ont voulu eux aussi anticiper les dispositions fédérales en réduisant de moitié la fiscalité des entreprises (de 22,7 à 13,8%): 500 millions de perdus pour les caisses publiques, que le Conseil d’Etat sous-évalue sciemment en parlant de 280 millions. En échange, le PS prétend avoir obtenu 200millions de «contreparties» sociales: augmentation des allocations familiales, des subsides d’assurance maladie et du budget de l’accueil de jour de l’enfance. En réalité, cet accord Malice-Brouillard souffre d’une contradiction: il promet un accroissement des dépenses sociales en même temps qu’une baisse massive des rentrées fiscales. Et donc, ce qu’il fait mine de nous donner d’une main, il nous le reprendra deux fois de l’autre…

Le corps électoral a pourtant considéré que ce deal était un moindre mal par rapport à une «baisse inévitable» de la fiscalité des entreprises, et une majorité écrasante de 87% des votant·e·s– moins de 80% dans les villes de Lausanne, Renens et Vevey, où les opposant·e·s avaient pu mener campagne – a soutenu cet apparent «compromis». Il faut dire aussi que le référendum n’était porté que par la gauche combative et une fraction du mouvement syndical, emmenées principalement par solidaritéS et le SSP, dans un canton où le mouvement de la fonction publique marque le pas depuis plusieurs années.

A Genève, la droite dure se frotte les mains. Pensez donc! Si nous ne donnons pas à «notre» économie des conditions cadres aussi favorables que celles de nos voisins, les entreprises choisiront de s’établir au-delà de la Versoix. Dès le 15 avril, le Conseil d’Etat appelle donc à une Table Ronde avec des représentant·e·s des partis, des milieux économiques, des syndicats et des communes, pour y distiller son projet. Le timing est très court, puisqu’il envisage de faire voter une loi par le Grand Conseil cet automne pour qu’elle entre en vigueur dès 2017. Selon les estimations les plus vraisemblables, les baisses de recettes attendues se monteraient à 500-600 millions pour l’Etat et à 150 millions pour les communes.

Comme nous l’avions répété depuis des mois, l’engagement des socialistes vaudois, et de Pierre-Yves Maillard à leur tête, pour anticiper la RIE3 dans ce canton devait être un atout décisif pour permettre le passage en force des solutions bourgeoises les plus dures aux Chambres fédérales, dont le contenu définitif sera en principe voté le 20juin prochain. Dèslors, il faudra tout faire pour qu’un référendum soit lancé au niveau national, et nous y sommes prêts! Surtout que les conditions de cette bataille ne seront pas les mêmes que dans le canton de Vaud, tant la potion concoctée s’annonce amère.

En même temps, la troisième manche cantonale se jouera à Genève, et ses enjeux sont importants pour l’ensemble du pays. En effet, le bras de fer autour du budget de ce canton est au cœur d’une confrontation d’envergure. Les secteurs les plus offensifs du capital financier, derrière le PLR, jouant sur la dette publique (12,2 milliards en 2015), tentent d’imposer deux mesures: le Personal Stop le plus dur de Suisse et un Plan d’ajustement structurel de choc (réduction de 5% des charges de personnel sur 3 ans). Economiquement, cette dramatisation de la dette ne tient pas la route, puisque les taux sont historiquement bas, majoritairement fixés sur 7 à 10 ans, et qu’elle ne coûte donc pas très cher… Mais la recette fonctionne politiquement, raison pour laquelle la droite a empêché son amortissement en multipliant les cadeaux fiscaux aux privilégié·e·s (en tout, 1 milliard de recettes annuelles perdues).

Face à cette offensive des milieux dominants, s’est dressé un mouvement social dont l’énergie et la puissance ont surpris tout le monde. Qui aurait pronostiqué qu’il serait capable de faire descendre dans la rue, à plusieurs reprises, entre 8000 et 12000 personnes, et d’organiser sept jours de grève en novembre-décembre dernier? Il a même commencé à modifier le climat politique en posant la question des recettes de l’Etat. Après plusieurs mois de trêve et de négociations, où le Conseil d’Etat a surtout cherché à gagner du temps, tout dépend donc aujourd’hui de la reprise de la mobilisation sur le terrain et de sa capacité à construire un front de résistance anti-austérité dans la durée. Nous ferons tout pour soutenir une telle perspective.

Jean Batou

30 mars 2016, 12:10 | RIE3

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