Forfaits fiscaux : Super Broulis au secours de Mami milliards
C’était la foire aux soutiens du troisième âge, la semaine dernière dans les médias de Suisse romande. Le PLR vaudois, son grand argentier Broulis en tête, relayé par la chaîne régionale La Télé et les journaux, ont crié au loup et se sont scandalisés des maltraitances subies par une innocente vieille dame. Mais que s’est-il passé ? Séquestration à domicile ? Attaques au cocktail Molotov ? Insultes, comportement agressif ? Rien de tout cela… Juste une « balade citoyenne pour la justice fiscale et contre la fraude légalisée ».
Le 5 novembre dernier a lieu une action symbolique consistant à rendre visite à une bénéficiaire d’un forfait fiscal. Nous étions une quinzaine de membres de solidaritéS à nous rendre sur les hauts de Montreux, chez Mme Traudl Engelhorn, ancienne propriétaire d’entreprise pharmaceutique, à la tête d’une fortune estimée entre 2 et 3 milliards de francs suisses (Bilan, 2011). Très courtoisement, nous avions simplement souhaité lui remettre un guide fiscal lui permettant de voir la différence considérable qui existe entre son forfait et le montant qu’elle devrait payer si l’initiative pour l’abolition des forfaits fiscaux était acceptée à la fin de ce mois. En effet, payant au total entre 300 000 et 400 000 francs d’impôts sous le régime des forfaits, cette contribuable serait censée s’acquitter, rien qu’au niveau cantonal, d’un impôt de plus de 8 millions de francs annuels, si elle était imposée proportionnellement sur son revenu et sa fortune comme une citoyenne lambda.
Cette action bon enfant, somme toute, nous a permis de rappeler les principales raisons de notre engagement dans ce combat pour plus de justice fiscale : égalité devant l’impôt, manque à gagner pour le Trésor public par ces pratiques de forfaits, outils scandaleux d’évasion fiscale…
Mme Engelhorn n’a pas souhaité nous recevoir, et l’affaire aurait pu en rester là.
Le PLR et la vieille dame
Mais cette action symbolique n’a pas du tout plu au Parti libéral-radical (PLR) lequel a manifesté bruyamment son effroi ! « Chasse aux sorcières », s’est-il écrié dans son communiqué du 6 novembre, « Aller molester (nous soulignons) une dame de 87 ans, chez elle, n’a rien à voir avec le débat d’idées ». Mais voyons, apporter un guide fiscal ne constitue pas exactement une action violente et ne se distingue pas tant que cela de l’envoi des feuilles d’impôts à la grande majorité des contribuables…
Pascal Broulis surenchérira le lendemain, sur le plateau de La Télé, en affirmant pêle-mêle que « cette dame aurait pu faire une crise cardiaque ! […] j’ai connu mon pays, dans lequel on peut marcher dans la rue sans se faire cracher dessus… On n’en est pas loin ! » Alors, promis juré (craché), ledit guide fiscal ne contenait aucun crachat. Et que M. Broulis se rassure : la santé de cette dame n’était pas plus en danger que celle du système cardiovasculaire de l’écrasante majorité de la population au moment de la réception de la décision de taxation.
Le communiqué du PLR en appelle par ailleurs aux pratiques civiques, au calme et au débat d’idées, nous invitant « aux nombreux débats organisés dans le canton, seuls outils responsables pour faire passer ses convictions ». Un peu fort de café, tout de même, quand on sait toute l’inégalité qui existe dans les campagnes politiques en Suisse, en raison des capacités financières incomparablement plus importantes entre d’un côté le PLR et Economiesuisse par exemple, et de l’autre les organisations et mouvements se mobilisant pour l’abolition des forfaits fiscaux.
Plutôt que d’entrer dans une polémique stérile, constatons que, si le PLR souhaite un débat d’idées, nous y sommes bien sûr ouvert·e·s. Mais qu’il commence par répondre au problème d’inégalité fiscale que nous avons soulevé par notre action symbolique, à nos déclarations publiques sur cette question et à notre communiqué de presse. Manquerait-il d’arguments pour le faire ?
Pierre Conscience
23 novembre 2014, 18:28 | Economie / National / Vaud