Égalité face à l’impôt : contre les forfaits fiscaux

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« Action coup de poing contre les forfaits fiscaux à Montreux » titrait 24 Heures du 5 novembre dernier. C’est donc en ces termes qu’était décrite la visite d’une petite délégation du mouvement politique « SolidaritéS » qui, sous la conduite d’un avocat, venait de se présenter à la porte d’une grande propriété sise sur les hauts de Montreux. Avec une pointe d’humour, les militants se sont limités à présenter une déclaration d’impôt régulière à une résidente qui, à la tête d’une fortune estimée à 2, 5 milliards de francs (chiffre donné par « Bilan »), est au bénéfice d’un forfait fiscal ne dépassant pas 400.000.-. Le formulaire de déclaration était accompagné du petit guide que tout résident dans le Canton de Vaud reçoit fidèlement de l’administration fiscale. en chaque fin d’année.

 Fallait-il importuner de la sorte cette ancienne propriétaire de l’entreprise pharmaceutique Böhringer à Mannheim ? Ne risquait-on pas de faire fuir une résidente qui passe pour être à la tête d’une Fondation favorisant recherche scientifique et beaux-arts ?

Rappelons-nous Ingvar Kamprad qui, depuis son opulente résidence d’Épalinges, administrait une fortune estimée (toujours selon le classement de Bilan) à plus de 40 milliards tout en continuant, indirectement, à diriger sa chaine de magasins. Il bénéficiait lui aussi d’un très avantageux forfait fiscal. Au moment de son retour en Suède en 2013, l’homme le plus riche de Suisse a fait à la commune d’Epalinges une « généreuse » donation de 10 millions pour la construction d’appartements pour les séniors. Dans l’expression de leur gratitude complaisante et servile, les autorités politiques n’ont pas mentionné que si Ingvar Kamprad avait payé ses impôts comme tout résident en Helvétie, c’est en tout cas 100 millions de francs dont il aurait dû s’acquitter chaque année, répartis entre commune, canton et Conféfédration. À cela s’ajoute que la création d’une fondation est précisément l’un des moyens « légaux » pour échapper à l’impôt auquel sont sumises les personnes physiques. En la matière, de même que Bill Gates aux Etats-Unis, Ingvar Kamprad passait pour être champion toutes catégories.

Ni l’argument de la bienfaisance dont feraient preuve les résidents au bénéfice de forfaits fiscaux, ni celui de leur éventuelle fuite vers un autre paradis fiscal ne résistent aux chiffres. Si en raison de l’abolition des forfaits, tous leurs 1396 bénéficiaires quittaient le Canton, ce n’est que 1,3 % des recettes fiscales des personnes physiques qui seraient touché. Acculé devant l’inconsistance du double argument élevé contre la suppression des forfaits, le PLR s’est livré dans son communiqué de presse à l’issue de la visite sur les hauts de Montreux au mensonge diffamatoire : la vieille dame aurait été molestée, au cours d’une véritable « chasse au sorcières ». Il a ainsi lui-même contribué à envenimer un débat dont les termes sont clairs et les enjeux sereins.

De richissimes personnes se sont établies dans un Canton qui offre un cadre de vie et qui fournit, autant dans la santé et pour la formation et la culture, des services remarquables ; elles doivent y contribuer de manière équitable. D’elles nous attendons le même sens de la responsabilité face à l’impôt que celui requis de toute et de tout résident. Il en va d’un principe de justice et fiscale et sociale.

Et il en va d’ailleurs de même pour les grandes entreprises multinationales ayant leur siège dans le canton.

 

Claude Calame
Directeur d’études à l’EHESS, Paris
Prof. hon. UNIL

 

23 novembre 2014, 18:15 | Economie / National / Vaud

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