Libertés en danger à l’Université
 de Lausanne

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La Direction de l’Université de Lausanne a publié une directive restreignant les droits d’expression politique sur le campus. Suite à la mobilisation, cette directive a été rapidement retirée. Est-ce une simple erreur ou le signe d’une volonté de faire taire tout propos critique ?

Depuis le mercredi 8 octobre, les murs du bâtiment Anthropole de l’Université de Lausanne sont extraordinairement vides. En effet, plus aucune trace de l’affichage foisonnant qui caractérisait cet espace d’étude des sciences humaines. En cause : l’application d’une nouvelle directive, dite 5.4, de la Direction de l’Université de Lausanne. Entrée officiellement en vigueur le 1er septembre 2014, la Direction a « attendu » la campagne du syndicat SUD, qui dénonçait les revenus extrêmement bas des stagiaires post-master, pour rendre visible cette nouvelle directive jusque là inconnue de la grande majorité de la communauté universitaire. 

Que disait précisément la directive 5.4 ? Premièrement, elle limitait drastiquement les espaces d’affichage de 90 %. Deuxièmement, elle soumettait à «une autorisation préalable la distribution de documents en lien avec des idées politiques ou religieuses, la récolte de signatures, la récolte de fonds et la distribution de produits éditoriaux et de publications journalistiques». La Direction de l’UNIL s’attribuait ainsi un véritable pouvoir de censure sur la circulation des idées ainsi que l’action politique et culturelle de la communauté universitaire lausannoise. Enfin, la directive 5.4 prévoyait la délégation «à une entité tierce, par exemple à une association universitaire, le contrôle de [sa] bonne application», créant ainsi les conditions d’une division entre les associations. 

Les sanctions prévues pour celles et ceux qui n’auraient pas respecté ce nouveau règlement, allaient de frais de nettoyage jusqu’à des poursuites judiciaires en passant par des sanctions disciplinaires.

Etouffer la critique

La Direction s’est défendue d’avoir voulu restreindre la liberté d’expression et d’action au sein de l’Université. La Vice-rectrice Danielle Chaperon, interviewée par la RTS le 16 octobre, avait déclaré qu’il ne s’agissait que d’une simple volonté de «fixer des règles de savoir-vivre» et que l’«affichage [serait resté] libre». Moins conciliante, mais peut-être plus honnête, la responsable du service juridique de l’UNIL, Martine Ray-Suillot, également interrogée par la RTS le 16 octobre, avait affirmé à propos des récoltes de signatures que «les objets [auraient dû] concerner les étudiants». Il aurait été, à l’avenir, «plus difficile d’obtenir l’autorisation de récolter des signatures contre la guerre en Palestine, par exemple.». Manifestement, pour la juriste, ce type d’action risquait de troubler le bien-être psychique et intellectuel d’étu­diant·e·s supposément impor­tu­né·e·s par les violences du monde réel.

Face à ces velléités d’étouffement de la pensée critique, politique et culturelle, les étu­diant·e·s et le personnel n’ont pas tardé à réagir. Suite à un appel du syndicat SUD, des re­pré­sen­tant·e·s de la plupart des associations et groupes universitaires (notamment le Groupe regards critiques et SSP) se sont réunis afin d’organiser la riposte. Ils ont demandé le retrait pur et simple de la directive 5.4. Un Comité pour les Libertés Démocratiques a été formé et une pétition en ligne a été lancée (disponible sur le site libertés-démocratiques.ch). En l’espace de trois jours, 400 signatures ont été récoltées. De leur côté, les pro­fes­seur·e·s ont lancé leur propre pétition qui a récolté plus de 100 signatures.

Suite à ces mobilisations, la Direction a finalement décidé de retirer la directive le 27 octobre. L’affaire n’est cependant pas encore terminée puisqu’une réunion de discussion aura lieu le 10 novembre prochain entre la Direction et les différentes personnes mobilisées. Néanmoins, le retrait de la directive 5.4 a prouvé que face à des tentatives de limiter les droits démocratiques, les engagements individuels et les mobilisations sont cruciales et peuvent obtenir gain de cause. 

Ian Novotny-Puy

10 novembre 2014, 03:44 | Education / UNIL

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