Un référendum contre la tour Taoua pour refuser la spéculation immobilière

Le parlement lausannois a avalisé un préavis municipal prévoyant la construction d’une tour de 85 mètres de haut (27 étages) dans le cadre du projet « Beaulieu 2020 ». La coalition La Gauche (POP et solidaritéS) compte parmi les opposants de la première heure à ce projet.

Contre l’avis d’une fraction des Verts et de l’UDC, ainsi que de l’entier du groupe La Gauche, le Conseil communal a donné son feu vert à la conclusion d’une convention entre le groupe Orox Capital Investment (Genève) et la Ville de Lausanne. La convention permet à Orox d’investir dans la construction de la tour Taoua sur les parcelles de Beaulieu dont la Ville est propriétaire, et où se trouve notamment le Centre de congrès. Cette construction s’accompagne de la transformation des bâtiments et espaces publics annexes, confiée pour partie au groupe Losinger Marazzi, propriété du géant du BTP français Bouygues. Orox Capital et Losinger ne sont pas totalement étanches, puisque l’actuel directeur exécutif d’Orox a aussi « occupé des positions de management pour Losinger. »

La création d’Orox a été soutenue par la Banque privée Edmond de Rothschild (Genève) ; comme l’explique Alexandre Col, responsable du département des fonds de cette banque : « en soutenant Orox depuis sa création, nous avions l’objectif de générer de la valeur dans des projets ambitieux […] se distinguant par leur qualité environnementale. » (Communiqué, 25 oct. 2012) Parmi ceux-ci, Orox pilote, outre la tour Taoua, le complexe hôtelier de luxe financé par le milliardaire égyptien Samih Sawiris, qui vise à transformer le village alpin d’Andermatt (Uri) en « destination de première classe », avec dix-huit nouveaux téléskis, un terrain de golf, des hôtels, dont un de cinq étoiles construit sur une « gigantesque plateforme en béton avec parking au sous-sol » (NZZ, 13 oct. 2012). Un projet dont la « qualité environnementale » a déjà suscité l’opposition du WWF et de Pro Natura.

Un cadeau pour 99 ans

En contrepartie de la cession des parcelles de Beaulieu pour les 99 prochaines années, Orox et Losinger verseront un droit de superficie à la Ville de 100 000 francs par an, puis 350 000 dès la 11e année. Il s’agit d’une somme modeste au regard des 100 millions investis par le secteur privé ; sans compter que les collectivités publiques prennent en charge les frais de transformation des halles de Beaulieu à hauteur de 100 autres millions. De fait, les termes de la convention entre la Ville et les investisseurs ne semblent pas mettre en cause « l’objectif de générer de la valeur » fixé par Orox. De l’aveu de la Municipalité qui le reconnaît dans le préavis concerné, « en fonction des prix de vente des Propriétés par étage (PPE) et des revenus locatifs tirés des différentes activités (bureaux, commerce, hôtellerie), la valorisation foncière pourrait être très supérieure […], si le prix des PPE devait atteindre 12 000 francs au m2 […] La valorisation foncière dépend principalement du prix de vente des logements en PPE. »

Cela tombe bien, la tour comprend huit étages de PPE et quinze destinés aux activités commerciales. Des hôtels de classe affaire sont déjà prévus, ce qui ravit les milieux hôteliers, bien représentés dans les travées du Conseil communal, à droite. Pour les cercles patronaux de la région, l’entreprise a de quoi séduire : le préavis souligne que « le Centre de congrès, quatrième centre de foires de Suisse, est un site stratégique pour l’économie vaudoise. Il génère des retombées économiques de plus de 415 millions par année, soit 1,2 % du revenu cantonal. » Cet enthousiasme est partagé par un groupe socialiste unanime, même si celui-ci a paru moins assuré lorsqu’il s’est agi, sur proposition de La Gauche, d’accorder un référendum spontané ; une prérogative du Conseil communal, qui aurait permis à la population de se prononcer sur ce projet qui transformera la physionomie de la Ville.

PPE contre logements bon marché

Dans une agglomération où le taux de logements vacants représente moins de 0,1 % du parc immobilier, la première mouture de Taoua, rendue publique en 2011 avait suscité des réactions de colère légitimes, en particulier parce qu’elle ne prévoyait aucun logement locatif.

La deuxième version présente à ce titre une légère amélioration, destinée à faire avaler cette immense pilule : quatre étages de logements locatifs à 1750 francs par mois pour un 3,5 pièces de 75 m2, 2330 francs pour un 4,5 pièces de 100 m2. La Municipalité s’en vante, présentant l’introduction de ces appartements comme une avancée majeure. Aux locataires qui trouveraient excessif de débourser 1750 francs pour un 3,5 pièces, les autorités rappellent que de tels prix se situent dans la fourchette basse du marché locatif lausannois. Cela en dit long sur la situation du logement à Lausanne, un état de fait dont la Municipalité se contente ici de prendre acte.

Le principe des droits de superficie octroyés par la Ville amène à confier les terrains municipaux à des mastodontes de l’immobilier, dont l’unique objectif est d’en tirer un profit maximal. La tour Taoua apparaît à cet égard comme emblématique. Pour sortir de cette logique contraire aux intérêts des locataires, le groupe La Gauche a notamment déposé une motion qui propose que la Ville fasse construire 1000 logements dont elle serait directement propriétaire. La majorité rose-verte soutiendra-t-elle cette proposition, destinée à réduire l’emprise des spéculateurs sur le marché du logement ?

Le ralliement acritique du Parti socialiste à Taoua semble indiquer le contraire. Dans ce contexte, le soutien au référendum contre la tour est l’occasion de marquer le refus d’une politique au service des promoteurs. L’engagement des habitant·e·s des quartiers avoisinants – dont certains, regroupés dans le collectif Beau-Lieu, dénoncent à juste titre les nuisances routières et les dommages au paysage qu’entraînera la construction de cette tour – sera déterminant pour la réussite du référendum.

Hadrien Buclin. Article publié dans le nº 235 du bimensuel solidaritéS

14 octobre 2013, 21:00 | Conseil communal / Eco-logique / Economie / Lausanne / Logement / Vaud

4 réponses à “Un référendum contre la tour Taoua pour refuser la spéculation immobilière”

  1. pidoux le 31 octobre 2013 à 11:10 #

    Je souhaite vivement signer ce referendum. Je vous remercie de m informer, de me contacter par mail. caroline1986@bluewin.ch

  2. pidoux le 31 octobre 2013 à 11:11 #

    Je souhaite vivement signer et participer à ce référendum

  3. pidoux le 31 octobre 2013 à 11:11 #

    Je souhaite participer à ce référendum

  4. admin le 5 novembre 2013 à 13:13 #

    Chère Madame,

    Nous attendons également impatiemment le lancement du référendum et les feuilles de signature… Nous espérons commencer à récolter sur notre stand de la place Saint Laurent ce samedi à Lausanne.

    Salutations

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