KKE grèce

Svétozar Voukmanovitch-Tempo (1) - Le Parti communiste de Grèce dans la lutte de libération nationale -Paris, Le Livre yougoslave, 1949

Cette brochure, rédigée par S. Vukmanović, alias Tempo (membre du comité central du Parti communiste yougoslave, PCY, chargé des relations avec les partis communistes des Balkans, notamment grec et albanais), parut après la résolution adoptée en juin 1948 par le Bureau d’information des partis communistes (KOMINFORM), à l’instigation de Staline, contre la Yougoslavie.

Le Parti communiste grec (KKE), engagé dans la guerre civile (1946-1949), avait – comme tous les autres PC dans le monde – approuvé l’expulsion du PCY et de la Yougoslavie « du camp socialiste avec l’Union Soviétique à sa tête » (formule standard des années d’après-guerre).

Il va de soi que les événements cités dans ce texte ont fait (et font probablement toujours) l’objet de controverses entre leurs divers protagonistes. Ainsi, S. Vukmanović s’en prend violemment à la politique suivie par le KKE durant la résistance à l’occupation nazie, ainsi que durant la guerre civile. Il est certain qu’entre les PC yougoslave et grec, il n’y avait pas accord sur la question de la Macédoine grecque – dite « Macédoine d’Egée ». Les accusations du KKE sur une supposée collaboration entre les armées yougoslave et grecque contre l’Armée démocratique (dirigée par le KKE) sont sujettes à caution et demandent à être prouvées. Il est certain qu’au moment de la défaite de l’Armée démocratique, la Yougoslavie a fermé sa frontière – ne souhaitant pas voir pénétrer sur son territoire de possibles agents « kominformistes », vu les prises de position de la direction du KKE contre le PCY.

Concernant l’histoire de la résistance grecque à l’occupation nazie et à la monarchie restaurée (grâce à l’intervention britannique en 1944), il existe une littérature importante. Quelques ouvrages :

- Dominique Eudes, Les Kapetanios : la guerre civile grecque de 1943 à 1949, Paris, Fayard, 1970

- Joëlle Fontaine, De la résistance à la guerre civile en Grèce, 1941-1946, Paris, La Fabrique, 2012

- La guerre civile grecque (1944-1949) / dossier établi par Christophe Chiclet et Jean-Jacques Marie. Paris, C.E.R.M.T.R.I, 2016 (Cahiers du mouvement ouvrier, no 70, avril-mai-juin 2016)

Sur le « schisme » yougoslave de 1948, l’ouvrage fondamental est :

Vladimir Dedijer, Le défi de Tito : Staline et la Yougoslavie, Paris, Gallimard, 1970 (Collection « Témoins)

Il faut signaler, concernant S. Vukmanović, que son rôle a été fortement contesté par les publications éditées en Albanie, notamment dans les œuvres de feu Enver Hoxha, qui s’était rangé aux côtés du KOMINFORM en 1948. En une quarantaine d’années, Enver Hoxha a dénoncé comme « révisionniste » successivement la Yougoslavie, l’Union Soviétique et la Chine. Sans oublier, à chaque étape de ces dénonciations, les purges permanentes du personnel politique albanais (le dernier, et le plus célèbre, responsable liquidé ayant été son ancien compagnon d’armes Mehmet Shehu). Là encore, il conviendrait de confronter les versions des événements, en tenant compte des contradictions inhérentes aux évolutions de leurs protagonistes et des nouvelles informations émanant de l’ouverture des archives... (hp.renk)

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On sait que la deuxième guerre mondiale avait placé les partis communistes dans des conditions extrêmement favorables, leur permettant, en organisant la lutte contre les occupants fascistes et contre la réaction traîtresse de l’intérieur, d’instaurer le pouvoir démocratique populaire, le pouvoir du peuple travailleur avec, en tête, la classe ouvrière. En d’autres termes, la lutte de libération nationale, menée contre les occupants fascistes, faisait partie intégrante de la lutte pour le pouvoir démocratique populaire, contre la bourgeoisie félonne de l’intérieur. Perdre la bataille pour le pouvoir démocratique populaire, signifiait dès lors perdre l’indépendance nationale. Si l’on envisage de ce point de vue – le seul possible d’ailleurs – la lutte soutenue au cours de cette guerre par le Parti communiste de Grèce contre les troupes d’occupation hitlériennes et fascistes, force nous est de conclure qu’en dépit de la résistance héroïque de ses membres et de tous les travailleurs grecs, ce Parti a subi une défaite.

Il est à noter, à ce propos, que le Parti communiste grec n’est pas le seul à avoir connu, pendant la dernière guerre, la défaite. Dans plusieurs pays, notamment en France et en Italie, les partis communistes ont subi le même sort. Autant que nous sachions, aucune direction n’a tenté jusqu’ici de donner une analyse critique des défaites et des insuccès essuyés par de nombreux partis communistes dans le monde entier. Seul, le Parti bolchévique a essayé d’expliquer les « insuccès » des partis communistes en France et en Italie par l’absence de l’Armée Rouge qui avait combattu sur des théâtres d’opérations trop éloignés de ces deux pays. Mais il est évident qu’une telle analyse, aussi peu marxiste-léniniste, ne saurait être retenue, étant donné qu’au lieu de chercher les raisons de la défaite dans les faiblesses intérieures des deux partis, elle l’attribue à des facteurs extérieurs. Non seulement cette analyse n’est pas marxiste, car elle endort les forces révolutionnaires des différents pays, leur faisant espérer que la libération viendrait du dehors, apportée par les forces armées de l’Union Soviétique. Aucun parti communiste ne saurait donc en tirer un enseignement utile pour la continuation de sa lutte révolutionnaire.

Une analyse critique de la défaite du Parti communiste de Grèce au cours de la deuxième guerre mondiale s’impose d’autant plus qu’elle contribuerait beaucoup à mettre en lumière les raisons de l’échec subi par d’autres partis communistes.

L’analyse faite par Zahariades (2) de la défaite du Parti communiste grec dans la lutte de libération nationale

A la réunion plénière du Comité central du Parti communiste de Grèce, tenue au mois de juillet 1945, Zahariadès avait analysé cette défaite dans les termes suivants :

« Que s’est-il donc passé pour que nous en soyons là ? Il serait vain d’en chercher les raisons dans les petites fautes, dans les erreurs sans importance commises par le mouvement de libération nationale. S’agissant d’un mouvement aussi vaste, aussi large, aussi exceptionnel, de telles erreurs sont inévitables. Elles n’ont exercé cependant aucune influence sur la ligne générale du mouvement qui est toujours demeurée absolument juste ».

La ligne générale du mouvement de libération nationale était donc juste, et cela en dépit de quelques petites erreurs qui ne pouvaient avoir beaucoup d’influence sur le développement de la lutte. Ainsi pense Zahariadès au lendemain même de la cessation des hostilités.

Dans la suite de son exposé, Zahariadès donne une analyse de ces petites erreurs, afin de prouver précisément qu’elles ne pouvaient avoir influencé la ligne générale du mouvement de libération nationale.

La première de ces erreurs consiste en ce que certains membres du Parti ont commis, au cours de la lutte de libération nationale, des atrocités. Voici ce que Zahariadès dit lui-même à ce sujet :

« Il y a eu divers actes d’atrocités :

a) la plupart ont été commis et se commettent encore par les réactionnaires ;

b) un grand nombre d’entre eux ont été arrangés par la réaction, afin de nous nuire ;

c) des atrocités ont été commises par des membres isolés du Parti, sans que celui-ci ait cependant jamais décidé d’en faire une ligne de conduite. Naturellement, les actes perpétrés par des membres du Parti font rejaillir la responsabilité sur le Parti tout entier. Mais étant donné que le Parti communiste de Grèce n’a jamais préconisé une telle ligne et qu’il a condamné aussi bien les auteurs de ces actes que les actes d’atrocités eux-mêmes, on ne saurait mettre en doute sa propreté morale ».

La deuxième erreur consiste en ce que les dirigeants du mouvement de libération nationale avaient ordonné, lors de l’intervention britannique, la prise d’otages. Voici comment Zahariadès parle de cette question :

« L’erreur ici n’est pas dans le fait que l’ordre de prendre des otages est venu d’en haut, car, en l’occurrence, c’est bien la direction du mouvement qui l’avait ordonné. A l’heure où la guerre battait son plein et où les autres s’emparaient de milliers d’otages pour les transférer en Afrique, nous ne pouvions pas être meilleurs chrétiens que les puritains eux-mêmes. Non, l’erreur a été d’avoir pris des otages sans discipline et sans plan. C’est pourquoi nous n’aurions pas dû donner cet ordre. Nous avons commis là une erreur qui a donné des armes à l’ennemi ».

Par conséquent, pendant toute la durée de la lutte de libération nationale, le Parti communiste de Grèce n’a commis que deux erreurs : il a toléré que certains de ses membres accomplissent des atrocités et il a ordonné la prise d’otages sans avoir établi préalablement un plan et pris ensuite les mesures nécessaires en vue de l’application de ce plan.

Pourquoi alors le Parti communiste de Grèce a-t-il subi une défaite au cours de la lutte de libération nationale ?
Répondant à cette question, Zahariadès donne en premier lieu l’analyse de la situation politique de la Grèce dans les Balkans et dans la Méditerranée, en disant :

« Economiquement et politiquement, la Grèce dépend, dans une grande mesure, des capitaux étrangers, c’est-à-dire, en réalité, des capitaux anglais. Or, au point de vue géographique, économique et, partant, politique, la Grèce fait partie des Balkans et de l’Europe, et ne peut ni vivre ni se développer en dehors de son milieu naturel. Elle s’étend, ou peu s’en faut, jusqu’à la côte de l’Afrique et domine dans la Méditerranée orientale, sur la voie reliant l’Angleterre au pétrole de Mossoul et, par delà le Suez, aux Indes, à la Chine et au Pacifique. Nous occupons donc un point stratégique des plus délicats et des plus importants, nous sommes situés sur une voie de communication présentant pour l’Empire Britannique un intérêt vital. Tant qu’existera l’Empire Britannique, cette artère devra rester intacte et l’Angleterre n’hésitera devant aucun moyen pour la préserver. Pour elle, l’Angleterre a déjà mené deux guerres : celle de 1914 et celle de 1939. Pour employer une autre image, c’est l’une des pierres sur lesquelles repose son édifice mondial ».

La situation est donc claire. La victoire des forces révolutionnaires et anti-impérialistes en Grèce eût conduit à la ruine de l’Empire Britannique, car l’artère vitale de ce dernier eût été par là même coupée. La victoire des forces révolutionnaires en Grèce ne dépend, par conséquent, que des impérialistes anglais, qui voudront bien peut-être renoncer à cette artère. Une belle perspective, en vérité, pour le mouvement révolutionnaire en Grèce.

Ayant analysé ainsi en détail la situation politique de la Grèce, Zahariadès passe à l’analyse d’une autre question : celle de savoir quelle doit être la politique extérieure du mouvement de libération nationale – politique conforme, naturellement, à la situation de la Grèce dans le monde – et il continue :

« Une juste politique extérieure serait celle qui tendrait à la création d’un Axe grec reliant deux mondes opposés : le monde européen et balkanique ayant pour centre l’Union Soviétique, et le monde méditerranéen avec, pour centre, l’Angleterre ».

Ici encore, la situation est on ne peut plus claire. Le mouvement de libération nationale grec doit constituer un pont entre l’Orient et l’Occident, entre le communisme et l’impérialisme.

Après avoir défini de la sorte la politique extérieure qui devrait être celle du mouvement de libération nationale, Zahariadès se demande si elle fut réellement suivie au cours de la deuxième guerre mondiale, et dit :

« Dès le premier jour, le mouvement de libération nationale avait déployé des efforts sincères pour s’entendre et pour collaborer avec l’Angleterre, pour l’aider à surmonter les graves difficultés, la crise qu’elle subissait alors dans la Méditerranée ».

Une fois de plus, la chose est claire. Le mouvement de libération nationale grec avait sincèrement cherché à aider les impérialistes anglais à surmonter la crise impérialiste dans cette partie du monde et à renforcer ainsi leurs positions dans la Méditerranée.

Les impérialistes anglais n’ont cependant pas accepté cette collaboration offerte par le mouvement de libération nationale grec. Pour quelles raisons ? Zahariadès nous l’explique également :

« Première raison. Au moyen d’intrigues, de calomnies et de toutes sortes de machinations, la clique ploutocratique grecque s’est employée à prouver aux Anglais qu’ils avaient dans le mouvement de libération nationale un ennemi mortel, qu’elle seule travaillait pour l’Angleterre et défendait réellement ses intérêts ».

Voilà donc trouvés les premiers coupables ayant empêché l’entente et la collaboration entre le mouvement de libération nationale et les impérialistes anglais. Ce sont les capitalistes grecs qui, par leurs intrigues, ont trompé les impérialistes anglais, en faisant croire à ceux-ci qu’eux seuls pouvaient défendre leurs intérêts et que le mouvement de libération nationale n’offrait pas aux intérêts impérialistes de l’Angleterre dans la Méditerranée une garantie sûre.

« Deuxième raison. L’Angleterre n’a pas voulu souscrire à la politique du mouvement de libération nationale, laquelle était basée sur les principes suivants : exclusion de toute immixtion de l’Angleterre dans les affaires intérieures de la Grèce, libération du pays de toute dépendance économique à l’égard du capital anglais et de tous autres capitaux étrangers, etc... ».

Et plus loin :

« L’Angleterre s’appuyait sur la réaction grecque bien plus que ne l’exigeaient les intérêts mêmes du peuple anglais. Qui plus est, elle ne répugnait pas à s’allier même aux milieux réactionnaires qui avaient collaboré avec l’occupant, à seule fin de combattre le mouvement de libération nationale ».

On a ainsi les deuxièmes coupables ayant empêché l’entente et la collaboration entre le mouvement de libération nationale et les impérialistes anglais. Ce sont les impérialistes anglais eux-mêmes qui n’ont pas saisi où étaient les véritables intérêts du peuple anglais. Est-ce le peuple anglais qui a des intérêts dans la Méditerranée, ou sont-ce les impérialistes anglais ?

Telles sont, selon l’analyse de Zahariadès, les raisons de la défaite du mouvement de libération nationale grec. La ligne générale du Parti communiste de Grèce n’est donc pas en cause, étant donné que, d’après Zahariadès, le Parti avait suivi une liste juste du début jusqu’à la fin de l’occupation. De même, les deux petites erreurs, les seules qui aient été commises pendant toute la durée de la lutte de libération nationale, n’ont pu avoir déterminé la défaite du mouvement.. Celle-ci n’est imputable qu’aux facteurs extérieurs, notamment à l’intervention des impérialistes anglais. Il ressort de tout cet exposé que le mouvement de libération nationale n’eût pu vaincre que si les impérialistes anglais avaient acquis la certitude que cette victoire garantirait leurs intérêts non seulement dans la Méditerranée, mais aussi en Grèce (n’ont-ils pas mené, parbleu, deux guerres pour cette Méditerranée). En d’autres termes, la défaite est due à la situation géographique de la Grèce dans la Méditerranée ! Voilà qui ouvre de belles perspectives au mouvement révolutionnaire du peuple grec. On a seulement quelque mal à comprendre pourquoi au lendemain de la seconde guerre mondiale, ils ont entrepris de nouveau la lutte armée, puisque la situation géographique de la Grèce n’avait pas changé entre-temps. Autant que nous sachions, la politique des impérialistes grecs dans la Méditerranée n’avait pas changé elle non plus.

La lutte révolutionnaire du peuple grec ne saurait donc – à en croire tout au moins Zahariadès – l’équilibre des forces dans la Méditerranée qui se trouve incluse dans la zone d’influence de l’Empire Britannique et à laquelle ce dernier n’entend point renoncer pour le moment. Il convient ici de rappeler que cette façon d’expliquer ses insuccès et sa défaite uniquement par des facteurs extérieurs n’est pas spéciale au mouvement de libération grec. Ces temps derniers, au sein du mouvement ouvrier international s’affirme de plus en plus l’usage d’expliquer par des facteurs extérieurs les insuccès et les défaites subies par les différents partis communistes au cours de la deuxième guerre mondiale. De telles théories démontrent indiscutablement que les directions de certains partis communistes se laissent gagner par l’opportunisme pourri qui est de nature à porter un préjudice considérable aussi bien au mouvement révolutionnaire dans leurs propres pays qu’au mouvement révolutionnaire ouvrier mondial. Ces théories ont été accréditées par les dirigeants du Parti bolchévique qui avaient tenté d’expliquer l’insuccès des partis communistes français et italien au cours de la seconde guerre mondiale par des facteurs extérieurs, notamment par l’éloignement de l’Armée Rouge.

Comment le P.C.G. avait résolu le problème de l’organisation d’une armée régulière de libération nationale

L’expérience a démontré que tant au point de vue politique que militaire, l’Armée de libération nationale grecque n’était en mesure non seulement de vaincre, mais même d’opposer une résistance sérieuses aux unités régulières, pourtant peu nombreuses, des intervenants anglais (ceux-ci avait débarqué en Grèce 50.000 à 60.000 hommes) et de la bourgeoisie traîtresse de l’intérieur.

Ce n’était point l’effet du hasard, mais le résultat de la ligne erronée adoptée par le Parti communiste de Grèce dans les questions militaires. Nous sommes éclairés sur ce que fut, en l’occurrence, la ligne du parti communiste grec, grâce aux exposés présentés par Santos (3), secrétaire du Comité central du Parti communiste de Grèce, et Yoanidès (4), membre du Politbureau du même Parti, lors de leur rencontre avec les délégués du Parti communiste de Yougoslavie et du Parti communiste albanais, qui eut lieu vers le milieu de l’année 1943, sur le territoire libéré de la Grèce. Voici ce qui fut dit à cette occasion :

« La situation spécifique de la Grèce est caractérisée par le fait qu’une partie importante de la population se trouve concentrée dans les grandes villes. Celui qui tient le pouvoir dans les grandes villes est, par conséquent, assuré de pouvoir l’exercer dans le pays tout entier. C’est pourquoi la direction du mouvement de libération nationale a établi sa politique, en ce qui concerne les questions militaires, en tenant compte de cette situation particulière. En conséquence, les ouvriers des villes sont organisés en unités militaires, ayant pour mission de s’emparer du pouvoir au moment opportun – lorsque les forces d’occupation quitteront la Grèce. Les unités de l’armée de libération nationale, composées principalement d’éléments ruraux et qui se trouvent sur le terrain, ont reçu pour tâche de se maintenir à tout prix aux environs des grandes villes et de prêter au moment opportun, c’est-à-dire lors de l’évacuation des troupes d’occupation, leur appui aux unités ouvrières en vue de la conquête du pouvoir ».

Telle était donc, dans ses grandes lignes, la position adoptée par les dirigeants du Parti communiste grec dans les questions militaires (nous citons l’exposé de Santos et de Yoanidès d’après les notes prises à l’époque par le représentant du Parti communiste de Yougoslavie).

Il s’ensuit que la direction du Parti communiste grec avait décidé l’organisation d’unités militaires dans les villes en se basant sur l’analyse de la situation particulière de la Grèce. Cependant, bien qu’elles fussent composées exclusivement d’ouvriers, donc des éléments les plus conscients et les plus révolutionnaires du mouvement de libération nationale, ces unités se sont montrées incapables de remplir leur tâche. L’expérience a prouvé qu’elles devaient succomber dès les premières rencontres avec les unités régulières des intervenants anglais. Pourquoi ? Pour la simple raison qu’elles n’avaient à leur disposition que des armes légères – telles que revolvers, grenades, etc. -, qu’elles manquaient totalement de préparation et d’expérience militaire. Il est évident que la direction du Parti communiste grec eût bien mieux fait de rassembler les ouvriers des villes dans les régions libérées, d’en former des unités régulières et de leur permettre d’acquérir dans des opérations offensives, non seulement un armement et un équipement modernes, mais aussi l’expérience de la guerre moderne. De telles unités eussent été en mesure de remplir les tâches les plus lourdes.

En second lieu, la direction du Parti communiste grec avait entrepris d’organiser les autres unités de l’armée de libération nationale, composées, comme nous l’avons vu, surtout d’éléments ruraux, exclusivement sur la base territoriale. Chaque unité était liée, en effet, à un territoire donné. La situation est restée la même lorsque plus tard, vers le milieu de 1943, les dirigeants du mouvement de libération nationale ont procédé à la formation d’unités plus importantes. Seuls ont été modifiés les noms des unités militaires. Les groupes constitués selon le principe territorial ont pris les appellations en usage dans l’armée régulière – brigades, divisions, etc. -, mais ils sont restés liés comme avant à des territoires déterminés, comme s’il suffisait d’un simple changement de nom pour transformer des formations territoriales en unités régulières.

Quelles furent les conséquences négatives de cette organisation de l’armée de libération nationale ? Premièrement, les unités étaient condamnées à l’inaction sauf lorsqu’elles étaient attaquées par les forces ennemies. Certaines unités avaient même l’ordre formel de ne pas attaquer les défenses des ennemis, afin de ne pas provoquer une réaction de leur part qui les aurait chassés du territoire qu’elles occupaient. De tels ordres ont été donnés notamment par l’Etat-Major supérieur aux unités de l’armée de libération nationale opérant en Macédoine d’Egée. Evidemment, toute autre politique était impossible dès le moment que l’on considérait que la tâche des unités de l’armée de libération nationale était de tenir certains secteurs déterminés à proximité des grandes villes, afin de pouvoir intervenir au moment du retrait des forces d’occupation. Deuxièmement, les unités étaient dans l’impossibilité d’appliquer une tactique offensive, étant vouées au maintien de fronts rigides, à la conduite d’une lutte défensive pour la sauvegarde de certains secteurs déterminés, etc. La conséquence de tout ceci fut que les occupants n’ont jamais subi de pertes sensibles, ni en hommes ni en matériel, et que les unités de l’armée de libération nationale n’ont reçu, d’autre part, aucune préparation qui leur eût permis de vaincre une armée ennemie disposant de moyens de guerre modernes.

Par ailleurs, la direction du Parti communiste grec avait résolu le problème des cadres en confiant les postes de commandement dans les unités de l’armée de libération principalement aux officiers de l’ancienne armée. Il était devenu presque de règle de nommer à ces postes les officiers de l’ancienne armée qui adhéraient au mouvement, sans les éprouver au combat, sans vérifier leur dévouement à la cause de la libération nationale. Il va de soi que ces spécialistes introduisaient dans l’armée révolutionnaire l’esprit de la défensive et du maintien de fronts stables, quand ce n’était pas celui de la démoralisation et de la trahison. Cet engouement pour les officiers de carrière a subsisté durant toute la guerre de libération nationale. Il semble bien que les dirigeants du Parti communiste grec aient oublié, en cette circonstance, les leçons de l’expérience acquise par Lénine au cours de sa lutte contre Trotzky et contre ses spécialistes militaires à moins qu’ils n’aient cherché à utiliser, au contraire, l’expérience de Trotzky, afin de désagréger l’armée de libération nationale (5).

La direction du Parti communiste grec n’a pas permis, enfin, la création d’organisations du Parti au sein des unités militaires ; les membres du Parti n’avaient pas le droit de faire valoir devant les soldats leur qualité de communistes, il était interdit de lire et de répandre ouvertement la littérature du Parti, comme il était défendu aux soldats de chanter des chants révolutionnaires, etc. La direction essayait de justifier cette politique de la façon suivante :

« Nous ne pouvons permettre que le mouvement de libération nationale prenne une « couleur » plus prononcée, car la réaction pourrait nous accuser de créer une armée communiste » (Ceci fut dit au cours d’un entretien entre le représentant du Parti communiste de Yougoslavie et les membres du Comité central du Parti communiste de Grèce, Djimas et Karajoguis).

Ainsi, il ne faut pas donner aux soldats une préparation politique en vue de la lutte révolutionnaire, car la réaction bourgeoise pourrait en tirer profit pour les besoins de sa campagne contre le mouvement de libération nationale. Ce qui compte donc, ce n’est pas la façon de penser des ouvriers, des paysans et des soldats de l’armée de libération, mais celle de la réaction bourgeoise. Le mouvement révolutionnaire doit bien se garder, par conséquent, d’envenimer les rapports avec la réaction, afin de ne pas « provoquer » cette dernière, il n’a pas à établir une différenciation entre le peuple et la réaction et à la rendre de plus en plus prononcée. Il va de soi que tout ceci n’est que de l’opportunisme pur, confinant à la trahison.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler à ce propos que cette sorte d’opportunisme ne constitue pas un fait spécifiquement grec. Est-ce qu’en 1944, la direction du Parti bolchévique n’avait pas conseillé avec une grande bienveillance à la direction de notre Parti de dissoudre les organisations du Parti dans l’armée, de supprimer les postes de commissaire politique, d’interdire le port de l’étoile rouge, etc. ? La seule différence est qu’en proposant ces mesures, la direction du Parti bolchévique obéissait au souci de ne pas fournir des arguments à la réaction bourgeoise internationale et d’éviter ainsi un soi-disant affaiblissement de la coalition anti-hitlérienne.

Si nous envisageons le problème dans son ensemble, il apparaît clairement que cette politique de la direction du Parti communiste grec représente en fait une ligne opportuniste bien établie qui s’explique, entre autres, par l’idée que toute révolution nouvelle doit emprunter l‘organisation et les formes des mouvements révolutionnaires du passé, comme la Commune de Paris ou la révolution d’Octobre. Et puisque toutes ces révolutions débutaient dans les villes, par des grèves et par des manifestations massives, par des barricades et par des émeutes à main armée, toute révolution future doit « commencer » dans les villes et revêtir les mêmes formes adoptées une fois pour toutes. Ce fut le principe suivi par la direction du Parti communiste grec, en dépit des conditions nouvelles créées par la deuxième guerre mondiale. On s’explique ainsi que, dédaignant les possibilités énormes qui leur étaient offertes, les dirigeants grecs aient systématiquement négligé la création et le développement des forces révolutionnaires à travers la lutte armée, pour diriger leur principal effort sur les grandes villes, où, durant l’occupation, ces possibilités n’existaient point.

Il ne s’agit donc pas ici d’un phénomène spécifiquement grec. Plusieurs partis communistes, exception faite des partis communistes de Chine et de Yougoslavie, avaient suivi, dans l’ensemble, la même voie et ont finalement abouti à la défaite

Comment le P.C.G. avait résolu la question du pouvoir au cours de la lutte de libération nationale

Bien que le problème du pouvoir soit, selon Marx et Lénine, le problème fondamental de toute révolution, le problème fondamental du marxisme, la direction du Parti communiste grec n’a pas entrepris de lui donner une solution au cours de la lutte de libération nationale. Plus exactement, la direction du Parti n’a pas entrepris de la résoudre d’une façon révolutionnaire, en instaurant dans le pays des organes du pouvoir démocratique et populaire. Dans les régions libérées, il n’a été procédé qu’au renouvellement des anciennes municipalités et à l’organisation de tribunaux populaires ; vers le milieu de 1944, ont été créés le Comité national et le Conseil national de libération de la Grèce. Mais ces organes du pouvoir ne sont nullement comparables à des organes du nouveau pouvoir démocratique et populaire qui naît de la révolution et qui, de par son essence même, diffère profondément de l’ancien pouvoir. La façon dont la direction du Parti communiste de Grèce envisageait ce problème, ressort on ne peut mieux de l’exposé fait par Santos et Yoanidès lors de leur rencontre, déjà citée, avec les représentants des Partis communistes de Yougoslavie et de Grèce :

« La lutte actuelle offre le caractère d’une lutte de libération nationale et, tant qu’elle dure, il serait erroné d’entreprendre la lutte pour l’instauration dans le pays du pouvoir démocratique et populaire. Le problème de la lutte pour le pouvoir démocratique et populaire se posera après la libération du pays. Si nous agissions autrement, nous fournirions à la réaction bourgeoise des arguments de poids pour affirmer que le mouvement de libération nationale lutte en fait pour le pouvoir, et non pour la libération du sol national » (D’après les notes prises par le représentant du Parti communiste de Yougoslavie).

Il est évident que Santos et Yoanidès ne voyaient pas – ou ne voulaient pas voir – que de nos jours, la lutte pour une indépendance nationale réelle ne saurait en aucun cas être séparée de la lutte pour l’établissement du pouvoir démocratique et populaire. L’un ne va pas sans l’autre. Partout où le pouvoir n’est pas entre les mains du peuple, on ne saurait songer à une indépendance nationale durable. S’il est vrai que dans presque tous les pays, la bourgeoisie réactionnaire et traîtresse a toujours utilisé l’appareil de l’ancien pouvoir pour lutter contre le mouvement de libération nationale – et qui oserait le nier ? -, le problème de l’anéantissement de l’ancien pouvoir se pose d’une façon inéluctable, dans la mesure, bien entendu, où l’on désire sincèrement développer et renforcer la lutte de libération nationale, dans la mesure où l’on ne veut pas que le prolétariat et les masses laborieuses continuent à verser inutilement leur sang, pour qu’une fois la lutte terminée, le pouvoir est abandonné aux mains de la bourgeoisie. D’autre part, la lutte pour le pouvoir démocratique et populaire, pour l’avènement d’un nouvel ordre social, donne aux masses laborieuses l’assurance que l’ancien ordre est condamné et ne saurait revivre après la libération du pays. Il s’ensuit que, loin de l’affaiblir, le fait de résoudre le problème du pouvoir démocratique et populaire au cours même de la lutte pour l’indépendance nationale, ne saurait que renforcer, au contraire, le mouvement de libération nationale.

Comment expliquer que le problème du pouvoir, ce problème fondamental de toute action révolutionnaire, ait été posé par la direction du Parti communiste grec de la façon que nous venons de voir ?

Il s’agit, de toute évidence, de cette croyance illusoire que le problème du pouvoir démocratique et populaire peut être résolu par des méthodes parlementaires sur la base d’une entente avec la réaction bourgeoise. Cela signifie qu’au sein de la direction du Parti communiste grec, les tendances social-démocrates d’accommodement et de transaction l’ont emporté sur les principes révolutionnaires dont l’application eût permis de résoudre le problème du pouvoir au cours même de la lutte armée contre l’occupant. Le résultat fut celui auquel on eût dû s’attendre. La bourgeoisie, bien que représentant une minorité, a refusé de se dessaisir du pouvoir. Face aux forces armées de l’intervention étrangère et de la bourgeoisie réactionnaire du pays, les méthodes parlementaires de lutte ont subi un échec cuisant. Les illusions qu’avaient nourries les dirigeant du Parti communiste grec – en tant qu’il est permis de parler, en cette matière d’illusions – ont été payées bien cher par le peuple grec tout entier.

Pendant la deuxième guerre mondiale, ces conceptions social-démocrates s’étaient manifestées non seulement parmi les dirigeants communistes grecs, mais également parmi les dirigeants de bien d’autres partis communistes. Est-ce que le Parti communiste français ne s’était pas laissé gagner par l’illusion de pouvoir résoudre le problème du pouvoir démocratique populaire en France par des méthodes de lutte parlementaire ? Est-ce qu’en Italie, le Parti communiste n’avait pas eu la même illusion, convaincu qu’il lui serait possible de résoudre le problème dans son pays par des méthodes parlementaires ? Et la direction du Parti bolchévique n’avait-elle pas conseillé avec une gentille bienveillance aux dirigeants de notre Parti de ne pas résoudre le problème du pouvoir par des moyens révolutionnaires, mais de s’entendre avec la réaction contre-révolutionnaire et félonne rassemblée autour de Draja Mihaïlovitch (6), de reconnaître « provisoirement » la monarchie, de consentir enfin à ce que le problème du pouvoir soit résolu plus tard, après la libération du pays et par des méthodes parlementaires ? C’est à cause de ces illusions social-démocrates, que plusieurs partis communistes – et parmi eux le Parti communiste de Grèce – ont perdu la bataille au cours de la deuxième guerre mondiale, bien que les conditions objectives leur fussent des plus favorables.

On voit donc que la réapparition de conceptions social-démocrates dans le mouvement ouvrier international pendant la deuxième guerre mondiale n’est point due au hasard. Ses raisons profondes doivent être cherchées dans les conceptions de la direction du Parti bolchévique d’après lesquelles tous les problèmes posés par le mouvement ouvrier révolutionnaire mondial devaient être résolus dans l’intérêt exclusif de l’Union Soviétique (ou plus exactement, en fonction de ses ententes avec les impérialistes portant sur la délimitation des zones d’influence, le point essentiel étant de savoir jusqu’où s’étend le contrôle de l’U.R.S.S.), et non dans celui d’un pays donné ou du mouvement dans son ensemble. Il va de soi que tout mouvement ouvrier révolutionnaire est intéressé par le renforcement de la puissance de l’Union Soviétique et des autres pays socialistes. Mais l’Union Soviétique et les pays socialistes devraient prendre, de leur côté, un intérêt sincère au développement et au renforcement du mouvement ouvrier révolutionnaire dans tout autre pays. Sans cela, la cohésion et l’unité du mouvement ouvrier et démocratique mondial deviennent impossibles et même inconcevables.

Comment le P.C.G. avait résolu le problème du Front populaire

Le Parti communiste de Grèce avait édifié le Front unique de libération nationale du peuple grec (7) sur la base du programme de la lutte pour la libération du sol national des occupants fascistes. En d’autres termes, le Front populaire ne s’édifiait pas en même temps sur la base d’un programme de lutte pour le pouvoir démocratique populaire, contre la bourgeoisie traîtresse de l’intérieur. Le Front de libération nationale s’était donc étendu en largeur, mais sa solidité et sa cohésion intérieure laissaient beaucoup à désirer. Cela a provoqué un état de trouble et de confusion dans une partie de la petite bourgeoisie qui avait adhéré au Front pendant la guerre, lorsqu’au lendemain de la libération, le problème de la lutte pour l’instauration dans le pays du pouvoir démocratique populaire vint à l’ordre du jour.

On ne peut pas dire que le Parti s’y soit mieux pris pour affirmer au sein du Front son rôle directeur. Le Parti communiste de Grèce exerçait dans le Front de libération nationale ce rôle par des moyens plus ou moins clandestins. Les membres du Parti ne devaient pas prendre la parole devant les masses en tant que communistes (souvenons-nous, à ce propos, de la façon dont les choses se passaient, pendant la guerre, chez nous : à toutes les réunions, les orateurs parlaient du Parti et de son rôle) ; les communistes n’avaient pas le droit de parler au nom du Parti, mais seulement en celui du Front populaire ; la littérature du Parti était distribuée sous cape, etc. Autrement dit, le Parti dissimulait systématiquement son visage devant les larges masses du peuple grec.

Des rapports entre le P.C.G. et les impérialistes anglais

Il est bien connu qu’au cours de la deuxième guerre mondiale, les impérialistes anglais essayaient de renforcer leurs positions dans le monde par tous les moyens, sans trop chercher à savoir si les moyens employés étaient profitables ou, au contraire, préjudiciables à la coalition anti-hitlérienne et à la lutte de libération menée contre le fascisme. Le retard porté à la création d’un deuxième front en Europe, le refus d’aider les mouvements de libération nationale dans les pays occupés, l’appui prêté, en revanche, dans ces pays aux mouvements réactionnaires qui prétendaient agir contre l’occupant, mais qui en fait – sous le couvert de « l’attentisme » - collaboraient avec l’occupant contre les mouvements de résistance -, telle était, durant cette guerre, la politique réactionnaire des impérialistes anglais.

Peut-on dire que la direction du Parti communiste grec s’était fait un devoir de dénoncer cette politique anti-démocratique des impérialistes anglais, qui ne pouvait qu’être préjudiciable à la cause des alliés ? Certes, non ! Elle s’en est bien gardée ! Voici en quels termes Santos et Yoanidès expliquaient cette attitude des dirigeants grecs, au cours de leur rencontre avec les représentants des Partis communistes de Yougoslavie et d’Albanie :

« Au point de vue politique, il n’est pas indiqué, à l’heure actuelle, de dénoncer ces tendances des impérialistes anglais, car il en résulterait inévitablement un affaiblissement de la coalition anti-hitlérienne » (Comme si l’unité des peuples épris de liberté pouvait être fondée sur la dissimulation, et non sur la condamnation des tendances impérialistes d’un membre quelconque de la coalition anti-hitlérienne). « En outre, le Parti communiste de Grèce ne désire pas s’immiscer dans la politique menée par les impérialistes anglais dans les autres pays, car ce sont là des choses qui regardent le Parti communiste anglais et les Partis communistes des pays en question » (D’après les notes prises par le représentant du Parti communiste de Yougoslavie).

Cette attitude de la direction du Parti communiste grec était faite pour briser, d’une part, l’unité du front anti-impérialiste des peuples attachés à la liberté, et pour isoler, de l’autre, le mouvement de libération nationale grec de ce front unique de peuple luttant pour la liberté. Il est superflu de vouloir prouver ici que cette politique a causé au mouvement de libération du peuple grec le plus grand tort.

La politique menée en Grèce, pendant la deuxième guerre mondiale, par les impérialistes anglais ne diffère pas beaucoup de celle qui était la leur dans les autres pays occupés. D’une part, ils prêtaient un appui politique et une aide matérielle aux formations militaires des différents Quislings, Zervas, E.D.S. en Grèce, Draja Mihaïlovitch et Matchek chez nous, etc. Mais d’un autre côté, ils avaient commencé à soutenir le mouvement de libération nationale grec bien avant qu’ils n’aient apporté une aide militaire, plus apparente que réelle du reste, aux mouvements de libération nationale dans les autres pays occupés. Pourquoi avoir agi de la sorte ? Sans doute parce qu’ils avaient entrevu la possibilité de prendre le mouvement de libération nationale grec sous leur direction, au point de vue de l’organisation de l’armée, de la conduite des opérations militaires, des rapports avec les formations militaires des Quislings grecs, sans oublier l’essentiel – la prise éventuelle du pouvoir. Cette politique a-t-elle permis aux impérialistes anglais de parvenir, en Grèce, à leurs fins ? Comme nous l’allons voir, ils y ont parfaitement réussi.

Vers le milieu de 1943, la direction du mouvement de libération nationale avait conclu avec les impérialistes anglais un accord, aux termes duquel l’armée de libération grecque se trouvait placée sous le commandement de l’Etat-major britannique pour le Proche-Orient. Les impérialistes anglais s’assuraient ainsi pratiquement le contrôle de l’armée de libération nationale, tant au point de vue de la conduite des opérations qu’au point de vue de l’organisation des unités militaires. Toujours en vertu de cet accord, le mouvement de libération nationale s’engageait à reconnaître les forces quislings du général Zervas (8) comme forces participant à la lutte contre l’occupant – bien qu’elles fussent liées, en réalité, aux troupes d’occupation par une collaboration étroite – et à leur permettre d’organiser librement leurs unités sur toute l’étendue du territoire libéré. Le parti communiste avait aidé ainsi les forces du traître Zervas à se faire passer aux yeux du peuple pour une armée luttant contre l’occupant. Aux termes de l’accord, le mouvement de libération nationale avait dû accepter enfin la création d’une armée d’insurrection unique, composée de l’armée de la libération nationale et des unités de Zervas, de même que la création d’un commandement unique avec la participation de ce dernier. Tout cela démontre que dès l’année 1943 les dirigeants du mouvement de libération nationale avaient souscrit de leur plein gré à l’immixtion des impérialistes anglais dans les affaires intérieures de la Grèce.

Par l’accord de Liban, conclu vers le milieu de 1944, a été formé un gouvernement dit d’union nationale, avec la participation des représentants du mouvement de libération nationale et des représentants de presque tous les partis politiques de la réaction bourgeoise. Pour apprécier cet accord à sa juste valeur, il est nécessaire de tenir compte de son influence sur le développement ultérieur de la lutte de libération nationale. Voici ce que disait à ce propos Zahariadès, au cours de la réunion plénière du Comité central du Parti communiste de Grèce, tenue au mois de juillet 1945 :

« Le mouvement de libération nationale a suivi la bonne voie depuis le début et jusqu’à la fin de l’occupation. On ne saurait incriminer l’accord de Liban, car même s’il n’avait pas été signé ou s’il avait été encore pire, un chiffon de papier n’eût rien pu changer d’essentiel au rapport des forces existant alors dans le pays ».

Zahariadès pense donc que l’accord de Liban n’était pas en mesure de changer quoi que ce soit dans le rapport des forces en présence et qu’il n’a pu contribuer, en conséquence, à la défaite du mouvement de libération nationale.

Or quel était ce rapport de forces en Grèce, au moment où fut signé l’accord de Liban ?

Le mouvement de libération nationale s’était considérablement étendu et englobait la majorité du peuple grec, alors que les partis bourgeois se trouvaient pratiquement isolés des masses populaires – résultat tout à fait logique si l’on considère que non seulement les partis bourgeois n’avaient pris aucune part à la lutte de libération nationale, mais qu’ils en étaient venus à collaborer ouvertement avec l’occupant contre le mouvement de libération. D’autre part, en dépit de toutes leurs faiblesses, les forces armées du mouvement de libération nationale étaient de loin supérieures aux forces armées dont disposait la réaction bourgeoise dans le pays même et à l’étranger, surtout après la révolte des troupes grecques en Afrique.

Comment s’est comportée la réaction bourgeoise, après que l’accord de Liban lui eut assuré une large place au sein du gouvernement d’union nationale ?

Premièrement, elle a usé de tous les moyens pour renforcer sa puissance armée, constituée en majeure partie par les formations traîtresses de Zervas et de l’E.D.E.S., ainsi que par les bataillons de sécurité de Ralis (9).

Deuxièmement, en invoquant l’accord de Liban, elle a exigé et entrepris elle-même, en tant que pouvoir légal, le désarmement et la dissolution des unités de l’armée de libération nationale.

Somme toute, la réaction bourgeoise a commencé une lutte décisive pour la consolidation et le renforcement de ses positions. Plus tard, voyant qu’il lui était impossible de parvenir à ses fins par ses propres forces, elle a appelé à l’aide les impérialistes anglais, qui par leur intervention armée ont résolu le problème du pouvoir à son profit.

L’accord de Liban n’était donc pas, comme le pense Zahariadès, « un chiffon de papier ». Il serait plus exact de dire qu’il a consommé la trahison des intérêts du pueple grec, la trahison du mouvement de libération nationale.

A la suite des défaites subies par un certain nombre d’unités de l’armée de libération nationale au cours des combats armés, au mois de décembre 1944, contre les troupes d’intervention anglaises, la direction du mouvement de libération nationale a signé, au début de l’année 1945, l’accord de Varkiza ou, plus exactement, la capitulation de Varkiza. Voici ce que dit au sujet de cet accord Zahariadès :

« Varkiza a été la conséquence de notre défaite en décembre dernier, elle a exigé la substitution à la lutte « légère » de partisans d’une lutte massive politique » (Rapport présenté lors de la XIIe séance du Comité central du Parti communiste de Grèce, au mois de juillet 1945).

Et par ailleurs :

« L’armée de libération nationale ne pouvait pas vaincre au mois de décembre 1944, lorsque nous avions été obligés de faire face seuls à une situation nouvelle, à l’intervention armée des Anglais, car ni au point de vue politique et militaire, ni au point de vue de nos organisations, elle n’était prête à remplir une telle tâche, à soutenir une telle guerre » (Extrait de la résolution de la Ve réunion plénière du Comité central du Parti communiste de Grèce tenue au début de 1949).

Il s’ensuit que la direction du mouvement de libération nationale a dû signer l’accord de Varkiza parce que son armée avait subi la défaite au cours des combats menés en décembre 1944 contre les troupes d’intervention britanniques, parce que l’armée de libération nationale n’était ni organisée, ni préparée du point de vue politique et militaire pour soutenir la guerre contre l’intervention étrangère, etc.

Sur quels éléments d’appréciation s’est fondée la direction du mouvement de libération nationale pour conclure que l’armée de libération nationale était incapable de vaincre l’intervention armée des Anglais ? (Nous laissons de côté la question de savoir comment l’armée de libération nationale pouvait n’avoir pas été prête à soutenir la guerre contre l’intervention étrangère, dès lors que la direction du mouvement « avait, dans l’ensemble, suivi une juste ligne depuis le début et jusqu’à la fin de l’occupation »). Lui a-t-il suffi de constater la défaite subie par quelques unités de l’armée de libération nationale lors des combats qui s’étaient déroulés à Athènes au mois de décembre 1944 ? Décidément, lorsqu’il s’agissait de la capitulation du mouvement de libération nationale, ses dirigeants étaient bien prompts à tirer des conclusions.

L’expérience des événements de décembre a démontré, sans aucun doute, que les unités de l’armée de libération n’étaient pas de force à lutter contre les unités de l’armée régulière de l’intervention britannique. La chose n’a rien d’étonnant d’ailleurs si l’on tient compte de ce que nous avons déjà dit au sujet de l’attitude adoptée dans les questions militaires par la direction du Parti communiste grec pendant la lutte contre les occupants hitlériens. Mais est-il permis d’en conclure que si elles avaient continué la lutte, les unités du mouvement de libération nationale n’eussent pu se transformer en une armée populaire révolutionnaire, capable de vaincre finalement l’intervention des impérialistes britanniques ? Et cela d’autant plus que la situation internationale ne permettait guère à ces derniers d’envisager une guerre sérieuse et prolongée, alors que l’armée de libération pouvait compter sur l’essor du mouvement révolutionnaire et démocratique mondial. L’expérience du mouvement révolutionnaire ouvrier nous enseigne en effet qu’en suivant cette voie il est possible de créer une armée révolutionnaire, capable de triompher d’un ennemi provisoirement supérieur en nombre et disposant de moyens techniques plus développés. La lutte menée de 1947 jusqu’au début de 1949 par l’Armée démocratique grecque en constitue d’ailleurs une preuve. Il n’y a donc aucune raison de croire que cette expérience ne pouvait pas être tentée en Grèce. Mais il est évident qu’une telle armée révolutionnaire ne peut être créée que par une direction qui, après la première défaite infligée à une partie, bien qu’importante, de son armée, accepte de capituler sur toute la ligne. Que resterait-il de la révolution d’octobre si Lénine avait capitulé ainsi sur tous les fronts à la suite de quelques insuccès subis par la jeune Armée Rouge dans sa lutte contre l’intervention étrangère et contre les éléments contre-révolutionnaires de l’intérieur ? L’Union Soviétique n’existerait pas aujourd’hui. Or, dès la première défaite subie par les unités d’Athènes, la direction du Parti communiste grec a accepté les condition de capitulation de Varkiza : désarmement et dissolution de toutes les unités de l’armée de libération nationale, abandon du pouvoir entre les mains de la réaction bourgeoise, chargée de préparer les élections au Parlement, etc. Cela s’appelle une capitulation, et on ne saurait donner à l’accord de Varkiza un autre nom.

Comment les militants du Parti ont-ils accueilli les conditions de la capitulation signée à Varkiza ? Laissons Zahariadès répondre à cette question :

« Un grand nombre de militants et de responsables n’ont pas compris tout d’abord ce que nous voulions ni dans quelle nouvelle voie nous nous engagions (après Varkiza). Cette confusion a provoqué au sein du Parti certains errements petit-bourgeois. Quelques-uns d’entre eux eussent présenté même un danger, comme le montre le cas de Veloukhiotis, si le Parti ne s’y était pas résolument opposé. Ceux qui n’ont pas été suscité directement par l’ennemi de classe, étaient le résultat de la faiblesse idéologique » (Rapport présenté lors de la XIIe séance du Comité central du Parti communiste de Grèce, au mois de juillet 1945).

Et plus loin :

« Ils (les membres du Parti) voulaient conserver leurs fusils et engager une lutte générale. Ils voulaient, somme toute, continuer à se servir de moyens qui n’étaient plus de saison. Le Parti a condamné et combattu cet esprit qui pouvait conduire à des conséquences désastreuses pour le mouvement tout entier » (Extrait du même rapport).

Il en résulte que, refusant d’accepter les conditions de la capitulation de Varkiza et de se soumettre aux décisions des dirigeants du Parti communiste grec, une partie des militants avec, en tête, Kharis Veloukhiotis (10), membre de l’Etat-Major général de l’armée de libération nationale et organisateur de détachements de partisans en Grèce, avaient continué, dans de nouvelles conditions, la lutte contre l’intervention britannique. Les autres membres du Parti étaient en proie à un découragement profond. La direction du Parti a brutalement réglé leur compte aux membres du Parti qui avaient refusé de souscrire aux conditions de la capitulation de Varkiza (on ignore jusqu’à présent comment a été tué Kharis Velouchiotis). C’est ainsi que le Parti communiste de Grèce a franchi une nouvelle étape de la lutte pour le pouvoir démocratique et populaire.

Le Parti, ou plus exactement sa direction, a donc entrepris la lutte contre les militants et les autres patriotes qui, au lieu d’accepter la capitulation et de déposer les armes, avaient continué la lutte armée dans de nouvelles conditions. Les dirigeants ont qualifié leur attitude d’ennemie « certains faits sont suscités par l’ennemi de classe, d’autres sont le résultat de la faiblesse idéologique ». Pourquoi alors avoir repris la lutte armée quelques mois après le désarmement volontaire de ses propres unités ? Il s’agit, de toute évidence, d’une politique ennemie et traîtresse qu’on ne saurait cependant reprocher aux militants ayant refusé de s’incliner devant l’accord de Varkiza, mais dont s’est rendue coupable la direction même du Parti qui a signé la capitulation. Les membres du Parti désiraient la continuation de la lutte et leur désir a fini par s’imposer. La direction opportuniste de Zahariadès ne pouvait s’opposer à cette pression exercée par les masses sans se laisser démasquer. Ce n’est du reste pas Zahariadès qui a fait reprendre la lutte armée. Elle a repris d’elle-même sur le terrain, sous la direction des cadres subalternes, et c’est Markos (11) qui en a pris la tête. Voyant que les choses en sont arrivées là et que le mouvement prend de l’ampleur, Zahariadès et ses acolytes n’ont pu faire autrement que d’en accepter la continuation.

Le Parti communiste de Grèce et la question nationale macédonienne

La politique de la direction du Parti communiste grec dans la question nationale macédonienne au cours de la deuxième guerre mondiale, a été définie par Santos et Yoanidès (12) lors de leur entrevue avec les représentants des Partis communistes de Yougoslavie et d’Albanie :

« Il n’existe pas de peuple macédonien proprement dit ; il n’y a que des Grecs, des Serbes et des Bulgares qui vivent sur un territoire portant le nom de Macédoine » (D’après les notes prises par le représentant du Parti communiste de Yougoslavie).

Cette attitude déterminait toute la politique des dirigeants du mouvement de libération nationale grec à l’égard du mouvement de libération nationale du peuple macédonien en Macédoine d’Egée.

Comment cette politique était-elle appliquée en fait ? Aux premiers temps de l’occupation allemande, la direction du mouvement de libération nationale grec interdisait systématiquement l’emploi de la langue macédonienne et s’opposait à l’ouverture d’écoles macédoniennes sur le territoire libéré ; quant à la reconnaissance au peuple du droit de disposer librement de lui-même, il ne pouvait même pas en être question. Cette politique nationaliste et anti-marxiste adoptée dans la question nationale avait eu pour conséquence de laisser, au début, la majeure partie du peuple macédonien en dehors du mouvement de libération. Il va de soi que celui-ci était le premier à souffrir d’un tel état de choses.

Ce n’est que plus tard, dans le courant de l’année 1943, que la direction du mouvement de libération nationale en Grèce a commencé, sous la pression des masses, à modifier quelque peu sa politique dans la question nationale macédonienne. C’est ainsi que le peuple macédonien a pu parler librement sa langue maternelle et qu’il lui a été permis de créer, dans le cadre du Front de libération nationale grec, ses propres organisations de masse. C’est ainsi que le Front de libération nationale macédonien a reçu l’autorisation d’éditer des journaux en langue macédonienne, etc. Quant à la possibilité pour le peuple macédonien de conquérir, par sa participation à la lutte, le droit de disposer lui-même de son sort après la libération du pays, il n’en était toujours pas question. La direction du Parti communiste grec persistait dans son opinion, savoir qu’après la libération du territoire, le peuple macédonien ne pourrait obtenir qu’une autonomie culturelle. En dépit d’une telle politique, le mouvement de libération grec a bénéficié de l’adhésion de larges masses du peuple macédonien.

Par la suite, dans le courant de 1944, une tension s’est manifestée dans les rapports entre le mouvement de libération nationale macédonien et la direction du Parti communiste grec, à propos de la reconnaissance au peuple macédonien du droit de disposer de lui-même après la libération du pays. Les communistes macédoniens et le mouvement de libération nationale macédonien tout entier considéraient, en effet, que leur participation à la lutte menée pour la libération du pays devrait leur conférer ce droit. La direction du Parti communiste grec a répondu par des mesures de représailles, en ordonnant la dissolution des organisations du Front populaire macédonien, en faisant arrêter et maltraiter les dirigeants de ces organisations, en interdisant aux masses macédoniennes l’accès de l’armée de libération nationale, etc. Il est évident qu’une telle politique devait se heurter à la résistance farouche et organisée des masses macédoniennes participant au mouvement de libération nationale.

La responsabilité de cet état de choses doit être imputée, par conséquent, non au Parti communiste de Yougoslavie, mais à la politique nationale et anti-marxiste adoptée dans la question nationale macédonienne par la direction du Parti communiste grec. Le seul « tort » qu’on pourrait reprocher au Parti communiste de Yougoslavie est d’avoir correctement résolu la question nationale macédonienne à l’intérieur des frontières yougoslaves, et indiqué par là même au peuple macédonien tout entier la seule solution équitable que puisse recevoir le problème de son indépendance nationale.

Qu’on nous permette de signaler ici l’attitude prise par la direction du Parti communiste grec dans la question de l’Epire du Nord – territoire qui se trouve inclus dans les frontières de l’Albanie et dont la population est composée en majeure partie d’Albanais, tandis que les Grecs n’y représentent qu’une minorité. Dans la résolution du Politbureau du Parti communiste de Grèce, datée du 1er juin 1945, voici que nous lisons :

« Le Parti communiste de Grèce n’accepte pas l’occupation immédiate et forcée de l’Epire du Nord par les troupes grecques, car une telle occupation aurait des conséquences fâcheuses et serait contraire aux décisions des trois grandes puissances alliées, qui veulent que toutes les modifications territoriales soient résolues par la conférence de la paix » (donc, s’il n’y avait pas eu cette décisions des trois grandes puissances alliées, le Parti communiste de Grèce ne se fût pas opposé à l’intervention brutale de l’armée grecque, et cela sans tenir compte de la volonté du peuple de l’Epire du Nord ! – S.V.). « Le Parti communiste de Grèce déclare que le problème de l’Epire du Nord demeure toujours sans solution » (et le problème macédonien ? – S.V.). « Le peuple de l’Epire du Nord a le droit de résoudre lui-même ce problème » (or, ce même droit est-il reconnu au peuple macédonien de la Macédoine d’Egée ? – S.V.). « Le Politbureau déclare en outre : afin de sauvegarder son unité démocratique, le Parti communiste de Grèce est prêt à accepter la décision de la majorité. Si la majorité désire l’occupation immédiate de l’Epire du Nord par l’armée grecque, le Parti communiste de Grèce s’inclinera devant cette décision, mais il constatera son désaccord » (Extrait de la résolution du Politbureau du Parti communiste de Grèce, en date du 1er juin 1945).

Ainsi, le Parti communiste de Grèce acceptera la décision prescrivant une intervention armée des troupes grecques en Epire du Nord, si cette décision est adoptée à la majorité, mais il exprimera son désaccord formel. Si ce n’est pas du jésuitisme, nous avons ne plus savoir ce que l’on désigne par ce terme ! Si ce n’est pas un soutien prêté ouvertement aux impérialistes grecs contre l’Albanie, nous nous demandons ce que cela peut être ! Et si, envisagé dans son ensemble, tout ceci n’est pas du nationalisme (envers les Macédoniens de la Macédoine d’Egée, qui constituent l’immense majorité de la population de ce territoire, l’attitude du Parti est celle du rattachement à tout prix, alors qu’à l’égard de l’Epire du Nord, où les Albanais forment l’immense majorité de la population et les Grecs ne sont qu’une petite minorité, cette attitude se transforme en « soumission à l’occupation immédiate par l’armée grecque »), – c’est que le nationalisme n’est plus de ce monde !

Il nous semble que tout commentaire serait ici superflu. Il suffit de rapprocher l’attitude de la direction du Parti communiste grec dans la question nationale macédonienne de la position prise par cette même direction dans la question de l’Epire du Nord.

De quelques particularités de la ligne suivie par le Parti communiste au cours de la lutte contre le monarcho-fascisme et l’intervention étrangère

De tout ce que nous avons jusqu’ici exposé, il appert que la direction du Parti communiste grec a perdu la bataille pour le pouvoir démocratique et populaire, en dépit des conditions exceptionnellement favorables où se trouvaient pendant la durée de la guerre et au lendemain de la cessation des hostilités aussi bien la Grèce que les autres pays occupés. Faut-il attribuer cette défaite au hasard ? Certainement non ! Les dirigeants du Parti communiste de Grèce ont perdu la bataille pour le pouvoir démocratique et populaire pour avoir suivi une ligne complètement erronée dans les questions les plus importantes : la conduite de la lutte armée, la création et l’organisation des unités militaires, la prise du pouvoir, les rapports avec les impérialistes, etc. Puisqu’il en est ainsi, il convient de se demander : Pourquoi les dirigeants grecs ont-ils mené une telle politique, pourquoi ont-ils suivi une ligne qui devait les conduire inévitablement à la défaite ? Ou bien ils n’étaient pas de taille à diriger un mouvement et un parti révolutionnaires, ou bien ils ont sciemment et intentionnellement recherche la perte du mouvement de libération nationale. Dans un cas comme dans l’autre, de tels dirigeants n’eussent point dû rester à la tête d’un parti révolutionnaire ; qui plus est, si la seconde hypothèse était la vraie, il eût fallu leur infliger le juste châtiment réservé ordinairement aux traîtres. Or comment les choses se sont-elles passées dans le Parti communiste de Grèce ? L’ancienne direction qui, placée dans d’excellentes conditions, avait déjà perdu une bataille, est demeurée à la tête du Parti communiste et du mouvement révolutionnaire du peuple grec qui doit maintenant gagner la bataille contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère dans des conditions incomparablement plus difficiles. Il est évident que cette direction n’est pas en état d’accomplir une tâche révolutionnaire aussi vaste et aussi lourde.

Les résultats obtenus jusqu’ici par l’Armée démocratique et par le mouvement de libération nationale en Grèce – surtout depuis le départ quelque peu mystérieux de Markos et les modifications survenues aussi bien dans la ligne de la lutte (recherche de l’appui diplomatique de l’U.R.S.S.) que dans la conduite des opérations (arrêt des actions offensives sur tout le territoire de la Grèce et attente de changements politiques qui doivent se produire sans qu’il soit nécessaire de lutter par les armes) – prouvent qu’il est parfaitement justifié de soulever cette question.

Il est bien connu, d’autre part, que chaque fois qu’ils subissaient un échec, les mouvements révolutionnaires vraiment dignes de ce nom ne manquaient pas de faire une analyse profonde de leur défaite et de tirer de leurs erreurs un enseignement utile pour la continuation de la lutte. Lénine avait soigneusement analysé les raisons de la défaite infligée à la révolution de 1905. C’est en s’appuyant sur cette expérience, de même que sur celle de la Commune de Paris et des autres insurrections armées, qu’il préparait les cadres du Parti et les masses ouvrières à de nouvelles luttes révolutionnaires.

Or qu’a fait Zahariadès à son retour du camp de concentration allemand de Dachau ? Comment a-t-il analysé la défaite du mouvement de libération nationale en Grèce ?

Selon l’analyse de Zahariadès, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, la défaite du mouvement de libération nationale en Grèce a été déterminée exclusivement par des facteurs extérieurs, c’est-à-dire par l’intervention armée de l’impérialisme britannique. Et les impérialistes anglais sont intervenus en raison de la situation géographique de la Grèce (« Est-ce qu’au cours de son histoire, l’Angleterre n’a pas déjà mené deux fois la guerre pour la Méditerranée ? »). Le mouvement de libération nationale en Grèce était voué à l’échec car, sans être soutenu du dehors, il ne pouvait vaincre par ses propres moyens l’intervention armée des impérialistes anglais. C’est ainsi que Zahariadès analyse la défaite du mouvement de libération nationale en Grèce. Une belle analyse, vraiment, et des plus encourageantes pour la continuation de la lutte révolutionnaire.

Il va de soi qu’une telle analyse n’était pas de nature à réaliser parmi les membres du Parti l’unité de vues sur le développement ultérieur de la lutte révolutionnaire. De nombreux militants avaient commencé à se demander : « Pourquoi engager une nouvelle lutte révolutionnaire, puisque nous n’avons subi la défaite que par suite de l’intervention étrangère ? Comme si les impérialistes étrangers hésiteraient à intervenir de nouveau, etc ». L’analyse de Zahariadès a fait naître toute une série de théories opportunistes disant que la lutte de l’Armée démocratique est vouée d’avance à l’insuccès et qu’en attendant l’arrivée d’une aide militaire de l’extérieur, il suffirait de mener une guerre de partisans ; que l’Armée démocratique est incapable de vaincre le monarcho-fascisme et la coalition anglo-américaine, étant donné que l’armée de libération nationale, qui avait combattu dans des conditions bien plus favorables, n’a jamais pu venir à bout de l’intervention armée des impérialistes anglais, etc. Toutes ces théories opportunistes qui se manifestent aujourd’hui au sein du Parti communiste de Grèce, sont fondées sur l’analyse erronée de Zahariadès. Nous voyons donc que le Parti communiste de Grèce et le mouvement révolutionnaire du peuple grec se sont engagés dans une nouvelle lutte contre le monarcho-fascisme et l’intervention étrangère, sans avoir reçu la préparation politique nécessaire et sans avoir de perspectives révolutionnaires bien nettes.

Ce n’est qu’au bout de trois ans de lutte révolutionnaire contre le monarcho-fascisme et l’intervention étrangère que la direction du Parti communiste de Grèce a essayé récemment de donner une analyse critique des erreurs ayant conduit le mouvement de libération nationale à la défaite, analyse dont on ne saurait contester la nécessité si l’on pense réellement sortir victorieux de la lutte actuelle. La réunion plénière du Comité central du Parti communiste de Grèce tenue au début de 1949 a fait les constatations suivantes :

« Le Parti communiste de Grèce, et plus particulièrement ses cadres, doivent reconnaître franchement leurs erreurs opportunistes du passé. Il faut reconnaître que lors des combats du mois de décembre 1944, nous n’avons pu vaincre l’intervention armée britannique et que nous avons perdu la bataille non pas en raison de difficultés et d’obstacles objectifs et insurmontables, mais par suite de nos propres erreurs et de notre politique erronée » (Extraits de la résolution de la réunion plénière du Comité central du Parti communiste de Grèce du mois de janvier 1949).

Que reste-t-il, dès lors, de l’analyse de Zahariadès, selon laquelle le Parti communiste de Grèce avait suivi une juste politique depuis le début et jusqu’à la fin de l’occupation ? Et la constatation de ses erreurs par le Comité central n’est-elle pas venue trop tard ? Il convient d’ajouter d’ailleurs qu’à l’époque la lutte armée en Grèce gagnait encore en largeur et offrait un caractère offensif, que Zahariades ne s’était pas encore « retranché » et que Markos demeurait en fait à la tête du mouvement.

Si nous considérons cependant la politique menée par la direction du Parti communiste de Grèce dans la phase actuelle de la lutte contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère, force nous est de constater que cette direction continue à suivre en fait la ligne de conduite qui avait été la sienne durant l’occupation du pays par les troupes fascistes hitlériennes.

Aujourd’hui encore, la direction du Parti communiste de Grèce estime que la lutte armée doit forcer les monarcho-fascistes à accepter un compromis et permettre la création d’un gouvernement commun qui sera chargé d’organiser les élections au Parlement. Or, un tel gouvernement ne serait-il pas condamné d’avance à subir le sort du ministère d’union nationale qui avait été formé après l’accord du Liban ? Que pourront faire les communistes en acceptant de participer à un tel gouvernement, si la réaction bourgeoise conserve le pouvoir dans l’ensemble, ou tout au moins dans la majeure partie du pays, si elle dispose de la police et de l’armée ? Il semble bien que les communistes grecs n’aient encore rien appris, qu’ils n’aient tiré aucune leçon non seulement de la défaite des partis communistes français et italien (qui avaient essayé de résoudre le problème du pouvoir démocratique et populaire uniquement en participant de façon constructive aux gouvernements de leurs pays), mais même de leur propre défaite subie au cours de la deuxième guerre mondiale, défaite qui constitue une expérience beaucoup plus profonde et sanglante que ne l’est celle des communistes français et italiens.

Ne s’agit-il pas, au fond, de la même politique, dès lors que le Parti laisse ses militants et les masses ouvrières poursuivre dans les villes, par des moyens tant légaux qu’illégaux, la lutte politique, au lieu de former une armée dont le noyau existe déjà dans l’Armée démocratique qui lutte sur le terrain contre le monarcho-fascisme et l’intervention étrangère ? On ne fait une guerre que par des moyens appropriés. Il faut ou bien mener une véritable guerre, ou bien y renoncer et mener la lutte sous une autre forme. Or, on retrouve en fait les mêmes illusions, la conviction que le conflit sera finalement résolu par un compromis, par une entente avec les monarcho-fascistes, par la modification du rapport des forces dans le monde – sans que la Grèce doivent ni puisse y jouer un rôle quelconque – et par l’intervention diplomatique des pays amis. Ce n’est que lorsque les monarcho-fascistes ont commencé à arrêter et à interner certains dirigeants, que la direction du Parti s’est rendue à l’évidence, comprenant que la lutte révolutionnaire n’est pas un jeu politique, mais une lutte sans merci et qu’il ne lui est plus possible, par conséquent, de demeurer à la portée de l’ennemi. N’était cette crainte d’arrestations motivées par la lutte armée menée sur le terrain par les cadres inférieurs et que la direction du Parti reniait d’ailleurs ouvertement, celle-ci serait probablement restée à l’arrière des forces armées, au lieu de se trouver à leur tête, c’est-à-dire là où se joue réellement le sort de la révolution. Et si elle s’est vue obligée, bien qu’ayant déjà trop tardé à le faire, de quitter Athènes, les masses ouvrières sont demeurées dans les villes à attendre le moment « favorable ». Pendant ce temps, lentement mais sûrement, l’ennemi désagrège et détruit leur noyau – le Parti communiste de Grèce.

N’est-ce pas continuer la même politique que de laisser les ouvriers poursuivre dans les villes la lutte contre le monarcho-fascisme au moyen de grèves et de manifestations, alors que les unités de l’Armée démocratique combattent sur le terrain contre les monarcho-fascistes et contre l’intervention étrangère par la force des armes ?

Nul doute qu’il ne s’agisse ici encore de vieilles illusions et de l’espoir d’amener les monarcho-fascistes à une entente par des grèves générales et par des manifestations dans les villes. Ce n’est que lorsque les monarcho-fascistes ont commencé les déportations massives des ouvriers dans les îles, que la direction du Parti s’est avisée de modifier sa tactique, en rassemblant les ouvriers dans les régions libérées et en les incorporant dans l’Armée démocratique. Mais il était déjà trop tard.

Ne s’agit-il pas, au fond, de la même politique, dès lors que la direction du Parti continue à organiser les unités de l’Armée démocratique sur la base territoriale, dès lors que sa tactique consiste toujours à maintenir des fronts rigides et à défendre les montagnes « fortifiées » le long de la frontière septentrionale de la Grèce ?

Il est évident que l’ancienne direction du Parti qui par sa ligne politique erronée a conduit déjà une fois le mouvement de libération nationale à la défaite, a le plus grand mal à rectifier sa politique.

De la campagne calomnieuse menée contre notre Parti par le Parti communiste de Grèce

Les attaques calomnieuses dont nous sommes l’objet de la part des dirigeants du Parti communiste de Grèce ne sauraient être séparées de la campagne générale menée contre notre Parti par les directions des partis communistes et ouvriers. Dès la publication de la résolution calomnieuse du Kominform (13), la direction du Parti communiste grec s’est empressée d’exprimer son approbation formelle. Certains membres de cette direction, et notamment Zahariades, ont cependant déclaré qu’ils ont dû donner leur approbation formelle à la résolution du Kominform par esprit de discipline. Ils considéraient d’ailleurs, à l’époque, que le Parti communiste de Yougoslavie devrait s’incliner – lui aussi par esprit de discipline – devant la lettre du Comité central du Parti communiste de l’U.R.S.S. (bolchéviks) et devant la résolution du Kominform. Après avoir donc manifesté leur accord formel, ils se sont pendant près d’un an abstenus de mener contre le Parti communiste de Yougoslavie une campagne ouverte. Mieux valait même ne pas l’essayer, car les masses ne les eussent pas crus ; il y avait d’ailleurs parmi les dirigeants grec des hommes qui, de par leur propre expérience, ne pouvaient avoir de doutes sur le caractère calomnieux des accusations lancées contre la Yougoslavie. Aujourd’hui, après s’être tus pendant plus d’un an, les dirigeants du Parti communiste grec en sont arrivés à la « conviction » qu’il ne suffit plus de donner à la résolution du Kominform une approbation toute formelle et dictée par l’esprit de discipline, mais qu’il y a lieu de prendre à la campagne calomnieuse menée contre notre Parti une part active. Peu nous importe de savoir pour l’instant si cette conviction est sincère ou bien si elle procède, elle aussi, de l’esprit de discipline. Cela ne changerait rien quant au fond des choses. Ce qui nous intéresse davantage, c’est de savoir où les calomniateurs grecs veulent en venir.

Il est certain que ces temps derniers, le problème de la responsabilité de la défaite subie au cours de la lutte contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère, se pose au sein du Parti communiste de Grèce avec de plus en plus d’insistance. C’est pourquoi la direction du Parti estime que la campagne calomnieuse engagée contre notre pays est la bienvenue, car elle lui fournit la possibilité de rejeter sur le Parti communiste de Yougoslavie et sur ses dirigeants la responsabilité de ses échecs passés et des défaites qu’elle pourrait subir à l’avenir.

Pourquoi avoir attendu plus d’un an avant d’engager cette campagne calomnieuse contre notre Parti. Comme le prouvent certains faits – les propositions du gouvernement « démocratique » provisoire grec et la déclaration faite par Porphyrogenis (14), à Prague, la récente déclaration de Gromyko, etc. -, la direction du Parti communiste grec prépare la capitulation du mouvement de libération nationale en Grèce. Au point où en sont les choses, on comprend fort bien que le mouvement de libération nationale en Grèce n’ait plus besoin de l’aide de la Yougoslavie socialiste. Le moment est venu de commencer contre le Parti communiste de Yougoslavie une campagne calomnieuse et de rejeter sur les dirigeants yougoslaves la responsabilité des défaites et des insuccès subis. On prépare en même temps le terrain pour pouvoir rejeter sur les dirigeants du Parti communiste de Yougoslavie la responsabilité de la capitulation du mouvement de libération nationale en Grèce, et justifier devant l’opinion publique démocratique les agissements du Parti communiste grec et des autres calomniateurs à l’égard de notre pays.

Est-ce que la campagne calomnieuse du Parti communiste de Grèce diffère de celle que mènent contre nous les autres partis communistes ? Certes, non ! Leur campagne ne repose sur aucun argument sérieux. Nous allons essayer néanmoins d’en dégager ce qui peut avoir la vague apparence d’une argumentation.

Premièrement, les dirigeants du Parti communiste grec prétendent que le Parti communiste de Yougoslavie n’est jamais venu en aide au mouvement de libération nationale en Grèce. Voici ce que disent à ce propos ses dirigeants les plus autorisés :

« Au cours des années 1943 et 1944, Tito avait obtenu de Churchill des quantités importantes de matériel de guerre (ce qui est contraire à la vérité, car tous les combattants yougoslaves savent bien en quoi avait consisté cette aide – S.V.). Pendant que les Anglais de Churchill et de Bevin se moquaient de nous, en nous parachutant dix-sept fusils sans munitions, quelques capotes et des chaussures, toutes pour le même pied, l’Etat-major général de Tito avec lequel nous avions signé un accord officiel de collaboration n’a jamais cru bon de nous aider » (Extrait de l’article de Petros Roussos, du 8 août 1949.

Que répondre à cette calomnie ? Nous n’avons jamais exigé de reçus pour les armes et le matériel de guerre donnés au mouvement de libération nationale grec, car c’était là une aide fraternelle prêtée par un parti communiste à un autre parti communiste. Du point de vue du droit bourgeois, nous ne pouvons certes prouver que nous avons fourni au mouvement de libération nationale en Grèce les armes et le matériel de guerre nécessaires, puisque nous ne possédons pas de reçus ni de quittances. Mais nous prenons à témoin les communistes grecs et les combattants de l’armée de libération nationale qui n’ont pas perdu leur conscience communiste et leur honneur, comme les a perdus Petros Roussos (15), et qui ne connaissent que trop bien l’aide que nous avons prêtée au mouvement de libération en Grèce. Et puisqu’il est question ici d’aide militaire, nous poserons de notre côté la question : pourquoi donc la mission militaire soviétique qui avait rejoint en juin 1944 l’Etat-Major général de l’armée de libération nationale grecque n’a-t-elle pas organisé la fourniture d’armes et de matériel de guerre par l’Union Soviétique ? Est-ce parce que la Grèce ne se trouvait pas dans la zone d’influence de l’U.R.S.S., mais dans celle des impérialistes anglo-américains ? (La mission militaire soviétique expliquait à l’époque que l’Union Soviétique ne pouvait aider l’armée de libération nationale grecque en armes et en matériel de guerre, car il était convenu avec les alliés anglo-américains qu’ils pourraient se charger de cette aide). Or l’Union Soviétique n’a-t-elle pas le devoir internationaliste d’aider tous les mouvements de libération nationale et dans tous les pays ? Pourquoi Petros Roussos passe-t-il cette question sous silence ?

Voici ce qu’il dit dans la suite de son article :

« Dans leurs derniers discours, Tito et Djilas nous ont rappelé sur un ton mélodramatique que la Yougoslavie avait aidé le peuple grec dans sa lutte, accueilli nos réfugiés et nos enfants, défendu nos droits aux conférences internationales, etc. Nous devons reconnaître qu’en Yougoslavie, comme ailleurs, le peuple nous a témoigné la plus grande sympathie et a soutenu la lutte du peuple grec. Il convient cependant de ne pas confondre cette aide avec la politique pan-yougoslave du gouvernement actuel qui a exploité et continue d’exploiter la sympathie manifestée à notre égard par ses peuples, afin de séparer la Yougoslavie du camp démocratique international et de l’Union Soviétique, afin de la précipiter dans les bras des impérialistes et de l’amener à collaborer avec les monarcho-fascistes grecs ».

Ainsi, les peuples yougoslaves ont aidé l’Armée démocratique et le mouvement de libération nationale en Grèce (bien sûr, il serait difficile de nier cette aide). D’après Roussos, cependant, le mérite ne saurait en revenir à la direction actuelle du Parti communiste de Yougoslavie, mais au seul peuple. Si l’on suit ce raisonnement, c’est le peuple qui a organisé l’accueil des réfugiés et des enfants grecs, et non le peuple et ses dirigeants. C’est le peuple qui défendait les droits du peuple grec aux conférences internationales, et non la direction du Parti, avec l’appui total des masses populaires de la Yougoslavie, etc. Etrange logique ! Petros Roussos pousse cependant la bêtise jusqu’à dire que le Parti communiste de Yougoslavie cherche à exploiter la sympathie éprouvée par les peuples yougoslaves envers le mouvement révolutionnaire grec, afin d’isoler la Yougoslavie du camp démocratique international et de l’Union Soviétique, afin de jeter le pays dans les bras des impérialistes et des monarcho-fascistes grecs. Nous voudrions que Roussos nous expliquât comment la sympathie éprouvée par les peuples yougoslaves envers les mouvements révolutionnaires et démocratiques dans les autres pays peut être mise à profit pour isoler la Yougoslavie du camp démocratique international et de l’Union Soviétique. Comment aussi peut-on utiliser l’aide prêtée par les peuples yougoslaves à ces mêmes mouvements pour faciliter le passage de la Yougoslavie dans le camp des impérialistes ? Pour tous ceux dont le bon sens n’a pas été troublé par la résolution du Kominform, ou plus exactement par les sombres et malhonnêtes plans qu’elle dissimule, la sympathie manifestée par les peuples yougoslaves à l’égard des mouvements révolutionnaires et démocratiques dans les autres pays ne peut servir qu’au renforcement du camp démocratique international et à l’intensification de la lutte contre l’impérialisme.

Puisqu’il est question de l’aide apportée au mouvement populaire en Grèce, qu’il nous soit permis de demander à notre tour : Pourquoi la résolution votée lors de la première réunion du Kominform ne dit-elle pas un seul mot de la lutte héroïque du peuple grec contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère, bien que les représentants de notre Parti aient proposé à cette réunion qu’il soit fait au moins une allusion à la lutte révolutionnaire du peuple grec contre l’impérialisme ? (16). Pourquoi jusqu’à la publication de la résolution calomnieuse dirigée contre le Parti communiste de Yougoslavie, l’organe du Kominform, « Pour une paix durable, pour une démocratie populaire », n’a-t-il jamais écrit un seul mot sur la lutte révolutionnaire du peuple grec contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère ? Pourquoi les peuples et le gouvernement de l’Union Soviétique n’ont-ils pas accueilli les réfugiés grecs, plus particulièrement les enfants, pourquoi, avant comme après la publication de la résolution du Kominform, se sont-ils abstenus de prêter au mouvement révolutionnaire grec une aide quelconque ? Pourquoi, enfin, Petros Roussos passe-t-il, une fois de plus, toutes ces questions sous silence ?

En second lieu, la direction du Parti communiste grec prétend que les unités de l’Armée yougoslave ont prêté une aide militaire aux monarcho-fascistes au cours des derniers combats que ceux-ci ont menés contre les unités de l’Armée démocratique dans le Kaymaktchalan. Voici ce que disent, en l’occurrence, les dirigeants les plus autorisés de ce Parti :

« Le communiqué de l’Etat-Major général de l’Armée démocratique en date du 6 juilet 1949, indique que le 6 juillet, l’armée monarcho-fasciste a utilisé le territoire yougoslave afin de pouvoir attaquer de dos les détachements de l’Armée démocratique dans la région de Kaymaktchalesn » (Extraits de l’article de Zahariadès du 1er août 1949).

Par conséquent, Zahariadès, auteur de l’article, invoque le témoignage de Zahariadès, membre du haut commandement de l’Armée démocratique, pour prouver que les monarcho-fascistes se sont servis du territoire yougoslave pour attaquer de dos les unités de l’Armée démocratique dans la région de Kaymaktchalan. L’argument ne manque vraiment pas de force !

Et plus loin :

« Le même jour (le 6 juillet), l’agence télégraphique « La Grèce Libre » a fait connaître qu’aux termes d’un document de service – le rapport présenté par le lieutenant-colonel Petropoulos, commandant du 516e bataillon monarcho-fasciste, à son supérieur, le général Grigoropoulos, commandant le IIIe Corps d’armée -, le 4 juillet 1949, c’est-à-dire la veille du jour où les monarcho-fascistes se sont servis du territoire yougoslave, une entrevue avait eu lieu entre les officiers yougoslaves et les officiers monarcho-fascistes grecs. A cette entrevue avaient assisté également des officiers anglais et américains » (Extrait du même article).

Voilà encore un document probant ! Emprunté, cette fois, aux monarcho-fascistes !

« Le communiqué de la Commission pour les Balkans reconnaît qu’une rencontre a eu lieu entre les officiers monarcho-fascistes et les officiers yougoslaves dans la région de Kaymaktchalan » (Extrait du même article).

Un nouvel argument ! Fourni, cette fois-ci, par les impérialistes !

Ainsi, l’entente est réalisée. Les monarcho-fascistes, les impérialistes et Zahariadès affirment d’une seule voix que les unités de l’Armée yougoslave collaborent avec l’armée monarcho-fasciste. Et dès lors que la chose est « prouvée » que les unités de l’Armée yougoslave ont soumis les unités de l’Armée démocratique à un violent tir d’artillerie dans la région de Vitsi. Or que disent les combattants et les officiers de l’Armée démocratique dans leurs déclarations connues maintenant de tout le monde ? La calomnie finit toujours par montrer son vrai visage. Il ne saurait en être autrement.

En troisième lieu, la direction du Parti communiste grec prétend que les dirigeants du Parti communiste de Yougoslavie avaient cherché à désagréger le mouvement de libération nationale grec, en semant la discorde entre les Macédoniens et les Grecs, en soutenant les tendances autonomistes en Macédoine d’Egée, etc. Voici comment les dirigeants grecs formulent leurs accusations.

« Le chauvinisme pan-serbe de la clique de Tito s’est manifesté à l’égard du mouvement de libération nationale grec dès 1943, la direction du Parti communiste de Yougoslavie ayant déclaré que le peuple de la Macédoine d’Egée ne saurait obtenir la liberté que dans les frontières de la Yougoslavie Ce qui revient à dire que la tâche essentielle de tous les patriotes macédoniens est de lutter contre le Parti communiste de Grèce et de collaborer avec les agents titistes » (Extrait de l’article de Zahariadès, du 1er août 1949).

S’il a conservé le moindre sentiment d’honneur, Zahariadès devrait répondre à la question : où et quand la direction du Parti communiste de Yougoslavie a-t-elle fait une déclaration semblable ? On ne peut qualifier cette attaque de Zahariadès que d’invention purement provocatrice et de calomnie.

Il dit ensuite :

« Il convient de rapporter ici un détail particulièrement caractéristique à cet égard : lorsqu’au mois d’octobre 1944, les Anglais ont débarqué en Grèce, Tempo, qui dirigeait la campagne de provocation contre la Grèce, a déclaré aux communistes de la Macédoine d’Egée qu’il avait demandé à Tito d’envoyer deux divisions pour qu’elles s’emparent de Salonique » (Extrait du même article).

Une fois de plus, s’il restait à Zahariadès tant soit peu d’honneur, il devrait répondre à la question : à quels communistes de la Macédoine d’Egée et en quelles circonstances Tempo a-t-il pu dire qu’il a demandé à Tito d’envoyer deux divisions pour qu’elles s’emparent de Salonique ? Cette déclaration de Zahariadès ne peut être qualifiée elle aussi que d’invention, de provocation et de calomnie.

Nous apprenons d’autre part que :

« Peu de camarades savent à l’étranger que, vers la fin de l’occupation fasciste allemande, à l’heure la plus critique de la lutte pour la libération de notre territoire des hordes hitlériennes, la clique de Tito a porté la division au sein de l’armée de libération nationale grecque, en incitant à la désertion et en attirant sur le territoire de la Macédoine yougoslave tout un bataillon de l’Armée de libération nationale grecque, formé de Macédoniens, sous prétexte que la politique nationale du Parti communiste de Grèce était en réalité une politique nationaliste » (Extrait de l’article de Petros Roussos du 8 août 1949).

Il est exact qu’un bataillon de Macédoniens appartenant à l’armée de libération nationale grecque (il s’agissait en réalité d’environ 200 combattants) est passé au mois d’octobre 1944 en territoire yougoslave. Pourquoi l’a-t-il fait ? A l’époque, la campagne sauvage engagée par la direction du Parti communiste grec contre le mouvement de libération nationale macédonien en Macédoine d’Egée battait son plein – dissolution des organisations du Front macédonien, arrestation et persécution de leurs dirigeants, interdiction d’incorporer les masses macédoniennes dans l’armée de libération, etc. De nombreux communistes macédoniens, membres du Parti communiste grec, étaient non seulement exclus des rangs du Parti, mais souvent même cruellement assassinés, simplement pour avoir demandé qu’au peuple macédonien de la Macédoine d’Egée soit reconnu le droit de disposer lui-même de son sort après la libération du pays. Telle était donc la situation lorsque le bataillon de Macédoniens a franchi la frontière yougoslave pour venir se mettre sous la protection de la direction du mouvement de libération nationale macédonien en Macédoine de Vardar. Il y a reçu l’hospitalité, en attendant qu’il soit statué sur son sort par une entente entre les dirigeants du Parti communiste de Yougoslavie et ceux du Parti communiste de Grèce. Ce qui a été fait. Il ne pouvait en résulter qu’un renforcement de l’Armée de libération nationale grecque, et non point son affaiblissement ou sa désagrégation, comme le voudraient « découvrir » et faire croire aujourd’hui les calomniateurs du Parti communiste grec.

Et enfin :

« Tito encourage l’émigration massive des Macédoniens vers la Yougoslavie. Il prive ainsi la Macédoine d’Egée de sa population macédonienne ; autrement dit, il fait le jeu des monarcho-fascistes grecs qui ont cherché pendant des années à modifier la composition ethnique de cette région » (Extrait de l’article de Zahariadès du 1er août 1949).

Que veut-on finalement démontrer ? Que Tito voudrait annexer la Macédoine d’Egée (avec le port de Salonique), ou bien qu’il cherche à transférer la population macédonienne de ce territoire en Yougoslavie ? Les menteurs finissent toujours par s’embrouiller.

Peut-on incriminer le Parti communiste de Yougoslavie si, fuyant la terreur qui règne en Macédoine d’Egée, les Macédoniens de là-bas se réfugient en Yougoslavie ? La direction du Parti communiste de Grèce ferait bien mieux de chercher l’explication de cet état de choses dans la politique nationalistes et anti-marxistes qu’elle a adoptée dans la question nationale macédonienne.

En quatrième lieu, les dirigeants du Parti communiste grec prétendent que le Parti communiste de Yougoslavie a de tout temps sous-estimé la lutte héroïque du mouvement populaire et révolutionnaire grec – aussi bien au cours de la deuxième guerre mondiale que pendant sa lutte contre le monarcho-fascisme et contre l’intervention étrangère. Voici ce qu’ils disent à ce sujet :

« Dans le Parti communiste de Yougoslavie, dans l’armée et dans le peuple, était cultivée l’opinion que le Parti communiste grec est opportuniste et anglophile. Les dirigeants du Parti communiste grec, et même le camarade Zahariadès qui était alors prisonnier des Allemands à Dachau, étaient calomniés et traités d’agents à la solde de l’étranger, alors que Tito et sa clique prétendaient être les seuls à appliquer une ligne bolchévique » (Extrait de l’article de Petros Roussos du 8 août 1949).

Dans cette question aussi, il nous faut rétablir la vérité. Il est exact qu’au cours de la guerre, nous avons sévèrement critiqué toute la politique de la direction du Parti communiste grec, et nous l’avons fait devant cette direction même. Répondant à cette critique, Santos et Yoanidès ont déclaré :

« Vous, les Yougoslaves, vous voulez résoudre toutes les questions par la force, tandis que nous, les Grecs, nous les résolvons par la politique. La voie que nous suivons est plus facile » (D’après les notes du représentant du Parti communiste de Yougoslavie).

Le fait est que « la voie grecque », ou plus exactement la voie choisie par la direction du Parti communiste grec, était plus facile, mais pour les impérialistes seulement. Quant au peuple grec, cette politique de la direction du Parti communiste de Grèce lui a coûté bien cher. Est-il juste de dire, dans ces conditions, que les communistes yougoslaves sous-estimaient le mouvement de libération nationale grec dans son ensemble ? Non, la seule chose qu’on puisse dire est que les communistes yougoslaves n’approuvaient point la direction du Parti communiste grec. Et il faut reconnaître, en toute franchise, qu’ils avaient pour cela d’excellentes raisons.

Roussos affirme enfin que les communistes yougoslaves calomniaient la direction du Parti communiste grec en prétendant que tous les dirigeants de ce Parti étaient des agents à la solde de l’impérialisme anglais. Où est, une fois de plus, la vérité ? Les communistes yougoslaves disaient bien que la politique de la direction du Parti communiste de Grèce au cours de la deuxième guerre mondiale ne pouvait s’expliquer que par l’influence exercée au sein de cette direction par les agents de l’impérialisme anglais (17). Nierait-on d’ailleurs que la suite des événements a donné aux communistes yougoslaves entièrement raison sur ce point ? Mais cela signifie-t-il que le Parti communiste de Grèce tout entier était au service des impérialistes britanniques ? En aucune façon ! Les communistes yougoslaves ne l’ont jamais prétendu et ne sauraient le dire d’ailleurs d’un Parti de combat révolutionnaire, quelque faible et douteuse que puisse être sa direction.

(La « Borba » des 29, 30 et 31 août, et du 1er octobre 1949)

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1) Svetozar Vukmanović dit Tempo (1912-2000), membre du comité central du Parti communiste yougoslave (PCY), chargé pendant la 2e guerre mondiale des relations avec les partis communistes de Grèce et d’Albanie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Svetozar_Vukmanovi%C4%87 

2) Níkos Zachariádis (1903-1973), secrétaire général du Parti communiste grec (KKE), de 1931 à 1956 : https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%ADkos_Zachari%C3%A1dis 

3) Giorgis Siántos (1890-1947), secrétaire général par intérim du KKE durant la 2e guerre mondiale : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Siantos 

4) Iannis Ioannidis, dirigeant du KKE

5) Le Parti communiste yougoslave, membre de l’Internationale communiste stalinisée, en avait adopté l’attitude, hostile et calomnieuse, envers Trotsky et le trotskysme. Au Ve congrès du PCY (1948), après la dénonciation de ce parti par le Bureau d’information des partis communistes (KOMINFORM), Milovan Djilas, membre de la direction du PCY, fustigeait encore dans son rapport : « ... les provocateurs trotskystes qui propageaient les calomnies et les mensonges bourgeois sur l’Union soviétique, sur la prétendue dictature de Staline, sur le prétendu règne de la bureaucratie en U.R.S.S., sur la prétendue falsification des procès intentés aux espions trotskystes, zinoviévistes et boukhariniens » (cité in : Catherine Samary, Le marché contre l’autogestion : l’expérience yougoslave. Paris, La Brèche, Publisud, 1988).

Sept ans plus tard, en 1955, Milovan Djilas devait toutefois se retrouver dans la position peu enviable de l’arroseur arrosé... Il fut expulsé de la Ligue des communistes yougoslaves (LCY) pour ses thèses controversées (cf. son ouvrage, La nouvelle classe dirigeante. Paris, Plon, 1957. Collection « Tribune libre », 10), puis condamné à deux reprises à plusieurs années de détention (la seconde fois, pour avoir « trahi des secrets d’Etat » en publiant Conversations avec Staline). Par ailleurs, Vladimir Dedijer (le biographe de Tito) fut aussi expulsé de la LCY, pour avoir préconisé le droit de Djilas à défendre publiquement ses thèses dans les publications de la LCY, bien que lui-même (Dedijer) n’approuvât point les thèses de Djilas.

Sur la question des spécialistes militaires enrôlés dans l’Armée rouge durant la guerre civile et de la lutte de Staline (et non de Lénine) contre Trotsky, cf. Pierre Broué, Trotsky. Paris, Fayard, 1988.

6) Draža Mihailović (1893-1943), général serbe, chef de la résistance monarchiste, fusillé en 1946 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dra%C5%BEa_Mihailovi%C4%87 

7) Ethnikó Apeleftherotikó Métopo (EAM) : Front de libération nationale grec. Sa branche armée était l’Ellinikós Ethnikós Laikós Apeleftherotikós Stratós (ELAS) : Armée populaire de libération nationale grecque

8) Napoleon Zervas (1891-1957), chef de l’organisation de résistance anti-communiste EDES : https://en.wikipedia.org/wiki/Napoleon_Zervas 

9) Ioannis Rallis (1878-1946), chef du 3e gouvernement collaborationniste grec durant l’occupation allemande (1943-1944): https://en.wikipedia.org/wiki/Ioannis_Rallis 

10) Aris Velouchiotis (1905-1945), dirigeant de l’ELAS et militant du KKE (dont il fut exclu pour avoir refusé les accords de Varkiza, désarmant la résistance), assassiné par des para-militaires d’extrême-droite (issus des unités militaires ayant collaboré avec les occupants nazis et largement recyclés au service des gouvernements grecs d’après-guerre) : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%81ris_Velouchi%C3%B3tis 

11) Márkos Vafiádis (1906-1992), dirigeant de l’ELAS pendant l’occupation allemande, puis de l’Armée démocratique durant la guerre civile, suspecté de « titisme » par la direction stalinienne du KKE (il fut exclu du KKE, puis réintégré après la destitution de Zachariadis en 1956) : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A1rkos_Vafi%C3%A1dis 

12) Jusqu’au tournant vers la politique des Fronts populaires, l’Internationale communiste (KOMINTERN) et par conséquent le KKE défendaient le droit à l’autodétermination de la Macédoine grecque - désignée par S. Vukmanović sous le terme de « Macédoine d’Egée », pour la différencier de la « Macédoine de Vardar », l’actuelle république de Macédoine - et de la Thrace. Une position dénoncée par la droite nationaliste grecque, qui accusait donc le KKE de trahir la Grèce en acceptant la possible sécession de ces deux régions. Compte tenu de la nouvelle composition de la population en Macédoine d’Egée – des réfugié-e-s grecs d’Asie mineure (après la guerre gréco-turque de 1922) s’y étaient installés -, il existait donc sur cette question une divergence importante entre le KKE et le PCY.

13) Sur le conflit entre la Yougoslavie et le KOMINFORM, cf. Vladimir Dedijer, Le défi de Tito : Staline et la Yougoslavie. Paris, Gallimard, 1970 (Collection « Témoins)

14) Miltiades Porphyrogenis, dirigeant du KKE

15) Petros Roussos, dirigeant du KKE

16) Prise de position confirmée dans l’ouvrage de Dominique Desanti, L’Internationale communiste. Paris, Payot, 1970 (Etudes et documents), en termes fort discutables (parlant de la 1ère réunion du KOMINFORM, 1947, tenue en Pologne) : « Cependant, les enfants gâtés yougoslaves s’étaient vus refuser par les Soviétiques le paragraphe spécial qu’ils réclamaient pour la Grèce dans la déclaration finale » (Desanti, p. 372). Autre élément, une déclaration faite par Staline lui-même (en 1947), citée dans l’ouvrage de Vladimir Dedijer, Le défi de Tito : Staline et la Yougoslavie (Paris, Gallimard, 1970. Collection « Témoins ») : « Nous ne sommes pas d’accord avec vous sur l’assistance qu’il faudrait donner aux partisans grecs. Nous pensons que nous avons raison, et point vous les Yougoslaves... Certes, nous pouvons, nous aussi, faire des erreurs... Après la guerre, nous avons invité à Moscou quelques camarades chinois pour leur dire qu’à notre avis, les conditions en Chine n’étaient pas mûres pour un soulèvement, et qu’ils devraient trouver un modus vivendi avec Tchang Kaï-chek et dissoudre leur armée. Ici, les camarades chinois se sont montrés d’accord avec leurs camarades soviétiques, mais quand ils sont rentrés en Chine, ils ont agi autrement. Ils ont rallié leurs forces, organisé une armée, et ils sont en train de battre Tchang Kaï-chek. Dans l’exemple de la Chine, nous avons donc commis une erreur. Les camarades chinois avaient raison et non les camarades soviétiques, mais ce n’est pas le cas avec vous dans les Balkans, pas plus que ce n’est le cas avec les partisans grecs » (Dedijer, p. 78).

17) Là encore, le principe de l’arroseur arrosé a fonctionné : S. Vukmanović accusait – sans citer leurs noms – certains dirigeants du KKE d’être des agents britanniques. Or, dans une lettre adressée au PCY, le 27 mars 1948, « Staline utilise la méthode appliquée en U.R.S.S. dans les procès des vieux bolchéviks traités d’agents impérialistes. Il qualifie de même les dirigeants communistes yougoslaves et commence par Vlatko Velebit, le premier à avoir éveillé sa colère en 1948, en soulignant le caractère exploiteur des propositions soviétiques tendant à la création des sociétés mixtes [entre l’U.R.S.S. et la Yougoslavie]. A la 21e ligne de cette lettre, Staline traite Velebit d’agent anglais » (Dedijer, p. 121)

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