article publié à l'origine dans Le Cafignon
(journal des étudiant.e.s de l'Université de Neuchâtel)
n°135 (mars 2011)

L'énergie nucléaire refait surface dans le monde médiatique et politique helvétique depuis l'arrivée de la conseillère fédérale pro-nucléaire Doris Leuthard à la tête du Département Fédéral de l'Energie, des Transports, de l'Environnement et de la Communication (DETEC). C'est l'occasion de faire le point sur cette énergie coûteuse et dangereuse alors que nous serons amenés à nous prononcer d'ici 2 à 3 ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse.

 

Le lobby en Suisse

La Suisse connaît plusieurs groupes de pression favorables à l’utilisation de l’énergie contenue dans la matière. L’association faîtière qui les regroupe tous s’est appelée Forum Nucléaire Suisse. Cette dénomination banale tente d’exprimer l’idée de transparence, qualité absente du milieu nucléaire. Ce dernier bénéficie d’un budget annuel dépassant les 3 millions. Il est constitué par les principaux électriciens (Alpiq, Axpo, Alstom, FMB), des physiciens enseignant à l'Institut Paul Scherrer et dans les EPFs ainsi que des politiciens. Mme Leuthard en est membre d'honneur... Il tente de véhiculer certains mythes relatifs à l’énergie nucléaire : sa faible émission de CO2, le bas prix de reviens de son kWh, son innocuité et la gestion durable de ses déchets.

Un coût incalculable

On sait que la construction des centrales nucléaires (CN) coûte très cher: les frais d'équipement pour la CN de Leibstadt (la plus puissante du pays) s'élevaient à 5,9 milliards en 1985. Pour le reste, l'opacité est totale. Le rapport du DETEC « Coûts réels de l’énergie nucléaire », qui répond à un postulat de la conseillère aux Etats Gisèle Ory, stipule explicitement qu'il « n’est pour l’heure pas possible d’effectuer un calcul sérieux du coût «réel» du nucléaire ». Après plus de 40 ans de fonctionnement des CN, on peut se demander : Quand sera-t-il l’heure ? On apprend aussi dans ce rapport que la recherche nucléaire est financée par la Confédération dans les mêmes proportions que la recherche pour les énergies renouvelables. Vive l'avenir!

Des centrales mal assurées

Un autre rapport de l'Office fédéral de la protection civile cette fois, évalue le risque humain et financier d'un accident majeur. Bilan: dégâts matériels se chiffrant à plus de 4000 milliards de nos francs, contamination radioactive de la moitié du pays, 100'000 déplacés. On essaie de nous rassurer en affirmant que les électriciens sont assurés contre le risque nucléaire à hauteur de... 1,5 milliards. En cas de défaut de paiement ce serait aux contribuables de passer à la caisse! Un comble quand on sait que la Confédération refusait jusqu'à récemment d'assurer le risque géologique lié à la géothermie!

Des gaz à effet de serre pour le climat

L'extraction d'uranium est destructrice et très énergivore. Les concentrations sont de l'ordre de 1 à 5 g/kg. L'extraction de l'élément produit des déchets miniers radioactifs très volumineux souvent déposés à l'air libre et l'enrichissement isotopique fait intervenir de nombreux processus physico-chimiques très gourmands en énergie. L'extraction, l'enrichissement et le transport de l'uranium rend toute la filière nucléaire très largement émettrice de CO2. On démontre ainsi le mensonge d’une énergie prétendue propre pour le climat.

Les radiations émises par les CN et leurs déchets sont nocives pour n'importe quel organisme vivant. Les radiations détruisent l'ADN, favorisent les mutations génétiques spontanées et les cancers.

Le cauchemar des déchets

La première CN a été mise en fonctionnement en URSS en 1954. Les déchets de la fission de l'uranium s'accumulent depuis lors. Le plutonium est certainement le plus connu d'entre eux, notamment à cause de sa demi-vie de 24'000 ans, son extrême toxicité (1μg/kg d'humain serait létal en cas d'ingestion) et sa radioactivité très élevée. C'est aussi un élément utilisé à des fins militaires dans les bombes. Il a été nommé selon le nom du roi des Enfers de la mythologie latine.

La NAGRA, organisme scientifique chargé de trouver des solutions pour le stockage des déchets nucléaires, est financée par les exploitants des CN. Elle a établi un rapport pour le Conseil Fédéral dans lequel elle explique que les solutions proposées isoleront les déchets radioactifs de la biosphère pendant « très longtemps ». Merci pour la précision !!! La géologie est très complexe, parfois compréhensible, mais jamais prévisible!

La santé publique en jeu

Presque 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl, la mortalité due à l'accident nucléaire le plus grave de l'histoire est toujours sujette à de vives controverses. L'OMS reconnaît 4'000 morts liés à l'accident alors que Greenpeace avance le nombre de 100'000 morts. Il faut peut-être voir dans ce positivisme béat une conséquence du lien juridique qui lie l'Organisation Mondiale de la Santé et l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. En effet, ces deux organisations onusiennes ont signé un accord qui assure une « coopération mutuelle » dans les questions relatives à la santé et au nucléaire...

D'Hiroshima...

L'industrie nucléaire est née lorsque les Etats militarisés tels que les USA, l'URSS et la France ont voulu amortir les sommes faramineuses investies dans l'armement nucléaire. Ces armes des puissants ont été utilisées dès leur conception comme une marque de pouvoir et de supériorité absolue. L'apogée de la dissuasion nucléaire fut liée au triomphe des blocs. L'OTAN ou les troupes du Pacte de Varsovie imposent alors leur chape de plutonium sur l'ensemble des peuples. Aujourd'hui, ce sont environ 20'000 ogives nucléaires qui sont prêtes à accomplir leur but mortel.

Les USA investirent plus de 20 milliards de dollars dans le Manhattan Project, programme de recherche nucléaire initié par l'impulsion d'Einstein. Le 6 août 1945, 70’000 personnes moururent explosées, brûlées, cuites ou encore irradiées par Little Boy. Au total, le bombardement d'Hiroshima fit environ 140'000 morts. Nagasaki vit son nom lié pour l'éternité à celui d’Hiroshima le 9 août 1945.

... à Mühleberg II

65 ans plus tard l'industrie nucléaire s'est civilisée. Les électriciens souhaiteraient construire trois nouvelles CN dans notre pays. C’est notamment le projet de la construction d’une deuxième CN à Mühleberg. Le conseil fédéral et son administration ne veulent pas faire les choix nécessaires pour enfin dépasser cette ère des blocs où la maîtrise nucléaire était synonyme de puissance. Si l'information à la population n'était pas contrecarrée par les campagnes massives et mensongères du forum nucléaire, il serait aujourd'hui évident pour tous que le nucléaire est une technologie qui menace notre existence, celle des générations futures et qui pollue notre environnement de manière globale.

Une orientation vers une économie plus propre, avec moins de gaspillage, plus de production énergétique locale et renouvelable et sans nucléaire est la clef de notre avenir. L'emploi, la recherche, l'environnement et l'économie toute entière sortiront renforcés de cette mutation nécessaire vers une société durable. Seule la volonté politique est pour l'instant trop faible pour faire les choix d'avenir qui s'imposent. Peut-être que le peuple saura refuser la construction de nouvelles CN, lorsqu'on le consultera à ce sujet en 2013 ou 2014.

 

J'invite toute personne intéressée par la thématique à venir participer à la projection-débats-apéro sur le thème des déchets radioactif organisé dans le cadre du cycle de documentaires Gaïadoc à l'unimail, le mercredi 13 avril à 17h30.

Enfin, si tu te sens concerné-e et que tu as envie de t'impliquer dans l'organisation de la campagne contre le nucléaire dans l'optique des votations, n'hésite pas à me contacter!

 

Dimitri Paratte,

étudiant hydrogéologue et délégué à l'Alliance neuchâteloise non au nucléaire.