affiche RFFA 19 mai 2019

Voici un article paru dans le Monde du Travail, n° 241 (avril 2019, p. 5). À lire pour enrichir le débat sur la RFFA.

La réforme fiscale « à tiroir » en cours de discussion organise le transfert des richesses du bas vers la haut, permettant à la Suisse de rester un paradis fiscal pour les grandes entreprises et les actionnaires.

Le scrutin populaire du 19 mai propose à la population du pays rien de moins qu’un nouveau système fiscal. Sous des dehors très « techniques », la « loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS » (RFFA) chamboulera l’imposition des entreprises et des actionnaires et, par cascade, la fiscalité de la Confédération, des cantons et des communes. Au motif d’éliminer les taux d’imposition préférentiels des multinationales étrangères afin de mettre la Suisse en conformité aux nouveaux standards internationaux, une quinzaine de mesures fiscales, financières ou budgétaires sont soumises au Souverain d’un seul coup.

Il en résulte l’élimination effective de certains privilèges, mais aussi la création de quelques autres, répartissant les futures factures fiscales sur de nouvelles bases, entre multinationales étrangères dont le taux augmenterait, les grandes entreprises suisses dont le taux de perception baisserait et les PME, dont 60 % ne paient pas d’impôt, faute de bénéfices. De même, plusieurs transferts financiers importants sont prévus entre la Confédération et les cantons, puis des cantons vers les communes, diluant la facture finale à tous les niveaux des collectivités publiques.

De plus, des dispositions transitoires évolutives sur une dizaine d’années étant inscrites dans la loi, personne ne peut prédire le résultat final d’un tel redécoupage. Une seule certitude émerge : si les impôts des entreprises sont globalement allégés de plusieurs milliards, les personnes physiques devront prendre le relais avec des hausses fiscales locales pour financer l’Etat et les services publics ou, à défaut, accepter de réduire ces derniers. Dans tous les cas, la population fera les frais de la réforme.

 

L’appât de l’AVS

 

Au niveau fédéral, la perte fiscale est estimée au minimum de deux milliards de francs par année, dont une moitié est due au versement d’un milliard aux cantons afin de leur fournir la marge de manœuvre nécessaire à réduire leurs propres taux d’imposition des entreprises.

Sur cette base, le Parlement a conçu un marchandage inédit : pour faire admettre cette économie au profit des entreprises, une même somme de deux milliards est promise à l’AVS, soit au bénéfice de toute la population, selon une logique comptable donnant-donnant. Les autorités veulent ainsi faire croire à une « réforme qui profitera à l’ensemble de la population ».

Seul souci, la hausse des contributions de la Confédération à l’AVS (environ 800 millions au total) serait prise sur des recettes fiscales déjà existantes, ce qui accroît l’austérité pour les autres tâches de l’Etat qui perdraient une part de financement, et le solde proviendrait d’une augmentation des cotisations sociales. Une moitié (600 millions) serait payée par les salariés eux-mêmes, subissant donc une baisse du salaire net, et l’autre moitié serait versée par les employeurs. Les entreprises épargneraient ainsi plusieurs milliards en impôts et « compenseraient » ces gains en payant seulement 600 millions supplémentaires pour les retraites.

On le voit, en modifiant la carte fiscale, cette réforme redistribuerait les richesses des plus démunis vers les plus riches. Elle s’oppose ainsi à la justice sociale. Le MPF vous invite en conséquence à voter « non ».

 

Michel Schweri

 

La RFFA genevoise ne fait pas mieux

 

A une moindre échelle, la « petite sœur » genevoise de la RFFA fédérale est bâtie sur le même modèle. Il s’agit aussi d’un échange entre une baisse de taux normal d’imposition des grandes entreprises, une élimination des privilèges fiscaux des multinationales et un soutien à la population d’un montant équivalent (186 millions de francs la première années) permettant la somme dévolue aux subsides LAMal. Mais après cinq ans, la « douloureuse » pourrait monter à 300 millions de pertes fiscales pour le canton, ont calculé les députés socialistes. Et les communes y laisseraient environ 80 millions. A titre d’exemple, la Ville d’Onex perdrait 5 % de recettes fiscales dans cette réforme. Qui gagne et qui perd dans cette affaire ?

MIS