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A mi-décembre, de nuit et à «huis-clos», le Grand Conseil genevois levait l'immunité de magistrat de Daniel Devaud. Décision non motivée et scandaleuse, prise en secret à une majorité, qui l'est aussi, et dont les participant-e-s n'osent ni assumer la paternité, ni expliquer les motifs...

solidaritéS avait appelé pourtant appelé les député-e-s à refuser cette proposition choquante, dérogeant à la loi prévoyant l'immunité des magistrats pour des motifs absurdes: la transmission par Daniel Devaud d'informations sur la Cour des Comptes... à l'autorité de surveillance de cette même Cour qu'est le Grand Conseil. 


Timing cynique

Mais la décision du Grand Conseil est un scandale, d'autant plus qu'elle a été prise la veille de la publication officielle du rapport de la Cour des Comptes piloté par Daniel Devaud sur la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif (FPLC). A moins que ce ne soit la publication  du rapport qui ait été cyniquement remise au lendemain de la décision concernant l'immunité du juge en question.

Cette publication a confirmé le fait que plusieurs millions d'argent public risquaient de s'évanouir abusivement dans la poche d'acteurs du secteur immobilier et l'évidence qu'aucun intérêt public ne commandait de retenir ce rapport six mois, comme ça a été le cas... Et c'est Daniel Devaud, que le procureur Olivier Jornot s'acharne à vouloir poursuivre. On croit rêver!

 

Un lanceur d'alerte pénalisé

En outre, cette décision viole (par anticipation) l'art. 26 de la nouvelle constitution concernant la protection des «lanceurs d'alerte» (whistleblowers), alors que c'est bien de cela qu'il s'agit dans ce cas. Enfin, elle part d'un travail bâclé de la commission législative qui, au moment de statuer, ne disposait pas de nombre de documents sur cette affaire.

Au-delà de l'indignation que solidaritéS a exprimé suite à cette décision du Grand Conseil, nous avons aussi protesté publiquement contre le fait que celle-ci ne soit pas motivée. En effet, la décision communiquée invoque seulement son «intérêt public» et s'appuie sur un rapport - secret! - de la commission du parlement.

 

Une transparence indispensable

Or le fait que les débats aient été à huis-clos, n'empêchait pas que cette décision soit publiquement motivée, pour qu'elle puisse, le cas échéant, être attaquée devant le TF, mais surtout parce que les citoyen-ne-s ont un droit à savoir ce qu'on décide en leur nom et pourquoi! Dans le cas de la levée d'immunité du juge Kasper-Ansermet, à l'époque libéral, refusée par le Grand Conseil en 1999, le parlement avait décidé de rendre publics les rapports (RD 325), dont le rapport de majorité que le parlement avait suivi quant à ses conclusions.

Il semble que, dans le cas actuel, il n'y ait même pas eu de rapport écrit, mais que le Grand Conseil se soit contenté d'un «préavis oral» ... C'est dire la légèreté avec laquelle l'affaire a été traitée. Mais ce «préavis» peut être mis par écrit et publié sur décision du Grand Conseil! Nous le lui avons demandé formellement.

 

Une Commission d'enquête inutile?

Nous protestons enfin contre le fait que cette levée d'immunité, présentée par un député comme «une décision s'apparentant à un règlement de comptes politique grave» ait été justifiée par d'aucun-e-s:

· comme moyen de «faire toute la lumière» sur les problèmes de fonctionnement de la Cour des Comptes. Or, pour faire la lumière en la matière, le parlement - même s'il a dû s'y prendre à deux fois - s'est doté d'une Commission d'enquête parlementaire (CEP). Le Grand Conseil considère-t-il que celle-ci ne saura pas faire le travail pour lequel elle a été créée?

· comme étant l'occasion de faire «clarifier» par la justice pénale la portée des fonctions de surveillance de la Cour des Comptes attribuées par le Grand Conseil... au Grand Conseil, dans une loi que celui-ci a lui-même votée!

Des justifications qui ne tiennent pas debout! Affaire à suivre donc...

 

Pierre Vanek