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En acquérant en trois phases, dont la première commencera le 1er janvier 2010, Presse Publications Suisse romande (PPSR), la société qui coiffe les activités suisses du groupe Edipresse, le groupe Tamedia va devenir le premier éditeur du pays, devant Ringier Suisse, tant pour les quotidiens que pour les magazines, et le premier imprimeur de presse en Helvétie. Ce fait est occulté par les dirigeants des deux groupes bientôt fusionnés comme s’ils voulaient masquer un peu benoîtement la position dominante que la nouvelle entreprise va occuper sur le marché.
    Usant des mêmes euphémismes, les commentaires de presse ont été lénifiants, voire insipides, à quelques rares exceptions près, quand ils n’ont pas porté tout simplement la « voix de son maître » à l’instar des titres d’Edipresse, démontrant ainsi la perte totale de leur indépendance rédactionnelle vis-à-vis de l’éditeur.
    Dès la nouvelle connue, comedia a pris des positions critiques très fermes et a organisé à la hâte un piquet devant le siège de Tamedia à Zurich le mardi après-midi même pendant la deuxième conférence de presse des dirigeants (la première avait eu lieu le matin au siège d’Edipresse). Voici en trois points le résumé du point de vue syndical.

Menace très grave pour la diversité de la presse…Une telle concentration dans des mains privées représente une menace sérieuse pour la diversité de la presse et le respect des pluralités culturelles et politiques. En effet, un groupe de cette taille, ayant à disposition une grande puissance financière et une grande capacité de diffusion de Genève à Romanshorn, sans aucun contrôle démocratique et sans contre-pouvoir effectif, pèsera de tout son poids sur les contenus rédactionnels de l’ensemble de ses vecteurs d’information : presse écrite, en ligne, radios et télévisions locales et autres supports multimédias. C’est là un enjeu démocratique pour toute la société civile !
    La « logique » présidant cette concentration étant l’accumulation et la recherche de la profitabilité maximum à court terme (l’objectif avoué est d’atteindre de 15 à 20 % de rentabilité !), elle ne pourra se faire qu’au détriment de la qualité du travail, du respect tangible de la déontologie des médias et des effectifs du personnel.
    Privilégiant le « localisme » et le « people », les titres et autres supports médiatiques ne pourront que s’appauvrir à terme, confiant les rubriques consacrées à l’info nationale, internationale, économique, sportive et culturelle à de très petites équipes « mises en synergie » et arrosant l’ensemble du groupe Tamedia.

… et pour les emplois !Quant aux emplois, sans peindre le diable sur la muraille, des menaces très sérieuses de suppressions de postes importantes se profilent, par restructurations successives, tant dans les rédactions que dans les secteurs techniques, les départements commerciaux et administratifs. En effet, l’annonce a été faite clairement par le nouveau groupe : il vise des « synergies potentielles entre les deux entreprises de 30 millions par an jusqu’à fin 2012 », soit 120 millions au total, et cela signifie forcément des coupes à la hache dans le personnel.
    Il faut rappeler au passage qu’en six mois Edipresse a déjà « anticipé » et supprimé plus de 90 emplois depuis fin août 2008 dont 64 au moins par licenciements secs !
    Vingt nouvelles suppressions d’emplois ont déjà été annoncées avec la fusion des gratuits.

Violation des obligations patronalesLa main sur le cœur, les dirigeants d’Edipresse et de Tamedia ont promis « transparence », « dignité » et « bonne gouvernance ».
    Or, ils ont totalement violé leurs obligations d’employeurs. En effet, tant les conventions collectives de travail en vigueur (la CCT romande des journalistes et le CCT national des arts graphiques) que la Loi fédérale sur la participation imposent aux employeurs le respect d’une procédure préalable d’information, puis de consultation des représentants des salarié·e·s AVANT toute décision majeure impliquant la marche des affaires et la structure de l’entreprise et leurs conséquences pour l’emploi et les salarié·e·s.
    De même, la déontologie des journalistes impose aux éditeurs une telle procédure d’information et de consultation préalable. Le Conseil suisse de la presse – dont les éditeurs font maintenant partie – a rappelé récemment ces obligations à propos d’une fusion identique (à la RTSI). Là, également, les éditeurs concernés se sont moqués de leurs devoirs.
    Que les dirigeants du futur mammouth médiatique s’assoient sur les droits fondamentaux de celles et ceux qui produisent la richesse sociale démontre le mépris dans lequel ils tiennent leurs salarié·e·s et ne présage rien de bon pour la suite !

Bruno Clément
Secrétaire régional de comedia
(article à paraître dans M-Magazine,
journal de comedia)