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nukeconstFin septembre, la Constituante poursuivait son travail de démolition en liquidant l’article constitutionnel sur l’énergie issu de l’initiative populaire antinucléaire « L’énergie notre affaire » adoptée en 1986 en votation populaire.

 

 

Or cet article 160E fonde, de manière assez détaillée, une politique de l’énergie antinucléaire et écologique. Sa liquidation par la majorité de droite à la Constituante est un scandale, sinon une surprise. L’an dernier déjà, ContrAtom rappelait à la Constituante le rôle central de cet article dans la politique énergétique du canton, rôle confirmé par le vote fin 2007 de l’initiative conférant un monopole de service public aux SIG, en subordonnant celui-ci « au respect de l’article 160E fixant la politique énergétique du canton. »

Des bases pour une politique cohérente
En effet, cet article est un programme cohérent en matière d’énergie, fondé sur « la conservation de l’énergie, le développement prioritaire des sources d’énergie renouvelables et le respect de l’environnement ». Avec des dispositions capitales, en vrac : l’alinéa 3 sur la « conservation de l’énergie » interdit par exemple, de manière générale, le chauffage électrique ou la climatisation. Il exige qu’on favorise les déplacements en transports publics, à vélo et à pied, plutôt que de vanter la prétendue « complémentarité » entre modes de transports.

On y trouve aussi des objectifs de récupération de chaleur et de recyclage, comme celui de l’amélioration de la durabilité des objets manufacturés, ainsi que l’interdiction des tarifs électriques dégressifs, à contre-courant de la logique marchande dans le domaine, sans parler de la géothermie et du soutien à la recherche en matière de renouvelables.

En matière nucléaire, c’est l’alinéa 6 de l’article 160E qui fait obligation aux SIG, actionnaires d’EOS, actionnaire du groupe électrique Alpiq, de s’opposer dans ses instances aux projets de nouvelle centrale nucléaire de celui-ci.

Un coup bas en deux temps
La liquidation de cet article s’est faite en deux temps. D’abord par les travaux de commission. Celle-ci est partie d’une « page blanche », qui liquidait a priori l’article antinucléaire sur l’énergie actuel, prétendant le remplacer par quelques « thèses » générales. ContrAtom avait pourtant expliqué dans un courrier aux constituant·e·s la nécessité de l’art. 160E actuel et intégral, en indiquant qu’il pouvait être amélioré, renforcé, concrétisé, mais ne saurait être liquidé.

Pourtant, c’est ce qui fut fait, en commission déjà, avec le consentement de la gauche et des Verts. La commission a ainsi voté quelques dispositions d’une généralité absolue, comme la première de ses « thèses » disant que : « Le canton et les communes assurent un approvisionnement suffisant en matière d’énergie ». Un texte pouvant s’interpréter dans tous les sens, allant de la cantonalisation (ou municipalisation) des marchands de mazout et des stations-services à une vague fonction de surveillance. Sans parler de la question de l’approvisionnement « suffisant »… à quoi ? A assurer un mode de vie étasunien, ou à vivre de manière frugale, à développer, ou non, des activités économiques ultra-énergivores ? A une époque, il y avait des projets de data-centers (centres de traitement de l’information) à Genève qui auraient accru de 25% la puissance électrique de pointe consommée dans le canton. La disposition proposée peut s’interpréter comme obligation pour l’Etat d’assurer un approvisionnement « suffisant » pour une activité de ce type...

Un alinéa abusivement isolé
En outre, la commission a cru bien faire en isolant le cœur antinucléaire de l’article 160E, son alinéa 5, qui impose aux autorités une opposition constante aux installations nucléaires, à Genève et aux environs, et en le proposant seul au vote du plénum.

Or cet isolement de l’alinéa 5 est une erreur capitale. En effet, l’opposition des autorités au nucléaire est crédible politiquement, parce que celles-ci développent une politique de l’énergie qui doit permettre de se passer du nucléaire. Dans ce sens, l’alinéa 5 tire sa légitimité de toute la politique énergétique développée dans les six autres alinéas de l’article 160E. Mais surtout, dans l’autre sens, la raison pour laquelle on a besoin d’une détermination antinucléaire constante du canton – et non pas de cas en cas – est que celle-ci sert à fonder une politique de l’énergie dans la durée.

Or dans le débat à la Constituante, focalisé sur l’alinéa 5 seul, comme s’il se suffisait à lui-même, la droite a eu beau jeu d’escamoter cette nécessité, jouant les démocrates et demandant pourquoi le peuple ne pourrait pas se prononcer « à chaque fois » que la question d’une installation nucléaire se posait, s’indignant qu’on veuille lui « lier les mains par avance ». Et, en effet, nous aurions sans doute peu à craindre de votes populaires sur ces questions : le récent NON dans les urnes des Vaudois·e·s à Mühleberg le montre.

Un NON s’impose !
Mais le problème, c’est que pour mener une politique de l’énergie, il faut une cible : or se passer du nucléaire en est une, qu’il faut viser en continu pour l’atteindre. C’est cela que la droite veut supprimer. En fait, elle nie la légitimité même d’une politique cantonale de l’énergie. Comme l’écrivait le constituant ultralibéral Pierre Kunz – l’un des artisans de la suppression de l’art.160E – dans son blogue : « […] c’est à la Confédération et pas aux cantons que revient la tâche d’assurer l’approvisionnement électrique. »

En clair : Genève n’a pas à s’occuper de ça ; l’énergie… ce n’est pas notre affaire. Une seule réponse, les antinucléaires – comme les femmes, les locataires, les salarié·e·s, etc. – doivent se préparer à voter NON à un texte rétrograde !

Pierre Vanek