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La constituante reprenait le 26 août. La veille, les syndicats, via la CGAS, tenaient conférence de presse pour condamner les positions réactionnaires adoptées par la majorité de droite, appelant l’assemblée à se ressaisir, sauf à voir les syndicats opter pour le NON au projet issu de ses travaux.

 

Rappelons qu’avant l’été la constituante avait balayé une série de droits sociaux. Le droit au logement, pour n’en citer qu’un, déjà inscrit dans la constitution, avait été liquidé, comme aussi l’égalité hommes-femmes. Comme l’a rappelé la CGAS, les droits des travailleurs-euses ont aussi été ciblés. Instructif sur ce plan est le traitement du droit de grève: le recours a celle-ci étant a priori défini comme pouvant être interdit par la loi.

Pour en revenir à la séance fin août, on y a vu, outre le maintien du «quorum» antidémocratique à 7%, le vote d’une autre mesure réactionnaire en matière de droits démocratiques.

Incompatibilités-2: le retour!

Ce sont 15 000 citoyen-ne-s au moins qu’on priverait du droit de siéger au parlement cantonal, sauf à ce qu’ils-elles renoncent à leur emploi! En effet, la constituante a rétabli l’incompatibilité pour les salarié-e-s du public, à nouveau interdits de parlement. De l’instituteur au gendarme, en passant par l’assistante sociale ou l’huissier… nul salarié-e de l’Etat ne pourra siéger au Grand Conseil, aux portes restant par ailleurs grand ouvertes aux brasseurs d’affaires, régisseurs, banquiers, représentants patronaux... La manœuvre a été exécutée en deux temps et… grâce à un mouvement: le MCG. En effet, c’est le représentant de ce parti, ni de gauche mais d’extrême-droite, qui a été le pivot de la manœuvre. Bref survol.

La commission chargée de ces questions n’avait pas souhaité revenir sur la disposition constitutionnelle existante. Celle-ci n’impose pas d’incompatibilité pour les fonctionnaires, seuls étant interdits comme député-e-s, séparation des pouvoirs oblige, de «proches collaborateurs» du Conseil d’Etat, les «hauts cadres» du secteur public ou les magistrats judiciaires.

Cette disposition est de 1998. La loi, votée par un parlement à majorité «alternative», fut confirmée en vote populaire, avec une majorité de 62% des électeurs-trices pour l’approuver. Elle corrigeait la disposition, qu’on veut réintroduire, qui exigeait que tout salarié de l’Etat quitte son emploi pour être député, comme l’avait fait Pierre Vanek de solidaritéS, interdit d’exercice de son métier d’instituteur, et renvoyé de sa classe en pleine année scolaire par MBG, pour avoir eu le culot de vouloir siéger au parlement après y avoir été élu.

La revanche des libéraux

Cette réforme démocratique est restée en travers de la gorge de la droite, notamment des libéraux, pour qui tout fonctionnaire doit se taire et obéir, pour se faire pardonner de travailler pour la collectivité. Le blog du libéral Pierre Weiss est éclairant à ce sujet. En février, il y commentait le vote au Grand Conseil d’une résolution priant le Conseil d’Etat de demander à Berne 120 jours de prolongation d’indemnisation des chômeurs-euses genevois.

Au grand dam de Weiss, il s’est trouvé une majorité de 48 à 47 pour voter cette demande… Voici ce qu’il en dit : «Comment en est-on arrivé là? Un député socialiste, employé du département de Longchamp, a été amené à voter contre la politique prônée par son chef.» Et de poursuivre: «Ce résultat démontre que les libéraux ont identifié un vrai problème: la présence de collaborateurs de l’Etat […] dans les travées du Grand Conseil. Ils proposent une solution qui se doit d’être ambitieuse: réintroduire les incompatibilités, supprimées en 1998…»

Outre que l’exemple invoqué montre une séparation des pouvoirs respectée, ce qui n’aurait pas été le cas si le chef avait eu la haute main sur le vote de son «collaborateur», ce cri du cœur reflète une conception féodale de l’allégeance due par les employé-e-s d’Etat à leur «chefs».

Signalons au libéral en question, un autre «vrai problème»: dans les urnes, il se trouve, bon an, mal an, les votes «contre la politique prônée par leurs chefs» de milliers de fonctionnaires. Une solution «ambitieuse» à ce scandale? Supprimer le droit de vote des fonctionnaires, tous les arguments en faveur de l’incompatibilité plaidant - aussi - en faveur de cette mesure…

 

Manœuvre en trois temps

Pour en revenir à la constituante: celle-ci a été saisie d’une «thèse» du libéral Lionel Halpérin excluant de la députation tout le personnel de l’administration ou des établissements de droit public cantonaux. Etendant ainsi l’incompatibilité pré-1998 aux HUG, à l’Hospice Général, au SIG, aux TPG… et même à la BCG!

Mesure brutale qui n’avait guère de chances de passer et qui fut, en effet, rejetée, au profit d’une «thèse» de Dimier du MCG. Son texte rend «incompatibles» les membres de la «fonction publique» en évitant de se prononcer sur l’extension ou non de celle-ci aux établissements publics. Il prévoyait que les élu-e-s fonctionnaires, tenus de renoncer à leur travail et à leur salaire pour siéger au Grand Conseil, le temps d’une ou de plusieurs législatures, se verraient «garantir» un poste en fin de mandat. Comment ces parlementaires «de milice», interdits d’exercice de leur profession, seraient censé gagner leur pain quotidien: mystère!

Mais la farce ne s’est pas arrêtée-là, il s’est trouvé un PDC pour proposer un amendement habile - et accepté! - pour supprimer cette «garantie» et la remplacer par le vœu pie d’une réinsertion à «faciliter» seulement. Au final, c’est cette version de la thèse de Dimier, qui fut votée, y compris par le MCG. Petit exemple des services que rend ce mouvement à la droite libérale et motif supplémentaire pour notre NON prévisible au texte constitutionnel rétrograde qu’on mitonne.

Pierre Vanek