2017 02 12 FORTA

 

Le 12 février prochain, nous sommes appelés à voter sur le FORTA, un fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération. Ce paquet ficelé anti-social et anti-écologique enlèverait des centaines de millions des caisses de la Confédération au profit d'une fuite en avant autoroutière dans un pays où le réseau routier est déjà l'un des plus denses d'Europe. solidaritéS appelle à un NON déterminé!

 

Ce vote intervient après deux votations fédérales importantes sur le financement des infrastructures de transport ces dernières années: l'acceptation du fonds d'infrastructure ferroviaire FAIF en février 2014 (62 % de oui) et le refus de l'initiative dite «vache-à-lait» en juin 2015 (70,8 % de non). A propos de cette dernière initiative, nous disions dans ces colonnes: «il faudra rester vigilants et mobilisés contre les prochaines attaques du lobby routier et de la droite bourgeoise qui ne manqueront sans doute pas de revenir avec ce type de projet catastrophique pour les caisses de la Confédération et l'environnement.» Nous y voilà.

 

Une «vache-à-lait» light

Rappelons que cette initiative lancée par le lobby routier, et jugée trop extrême y compris par une bonne partie de la droite, demandait que l'intégralité de l'impôt sur les huiles minérales – aujourd'hui réparti moitié/moitié entre la route et la caisse générale de la Confédération – revienne intégralement au financement des routes. Alors que cette initiative a été sèchement rejetée dans les urnes… le FORTA la fait revenir par la fenêtre, en version allégée.

En effet, ce fonds serait financé par plusieurs sources, dont la première rappelle l'idée centrale de l'initiative «vache-à-lait», à savoir une nouvelle répartition des recettes de l'impôt sur l'essence: avec ce projet, c'est 60 % qui serait désormais affecté aux routes. De plus, le FORTA serait renfloué par la totalité de la taxe sur les importations de véhicules, aujourd'hui reversée aux caisses de la Confédération. L'augmentation de 4 centimes de la surtaxe sur l'essence (portée donc à 34 ct.) rapportera encore quelques 300 millions de francs au fonds routier… en plus de l'intégralité des recettes de la vignette autoroutière!

Au final, ce fonds bénéficierait de près d'un milliard par an pour les routes…. dont 650 millions puisés directement dans les caisses de la Confédération! Il s'agit bien d'un véritable hold-up du lobby routier.

 

Une austérité béton

Qui en subira les conséquences? Le Conseil fédéral a déjà annoncé la couleur avec son programme dit de «stabilisation» prévu en anticipation de la RIE 3, du paquet Berset... et du FORTA. Les victimes des coupes prévues sont connues: la formation, la recherche, la co­opération et les transports publics – entre autres – seront saignés par ce programme d'austérité. En parallèle d'une RIE 3 qui profitera aux grandes entreprises, ce projet prépare donc un nouveau transfert de richesses, pour le sacre de la bagnole et des camions, au profit des milieux de la construction. Alors que les autres secteurs de la Confédération verront leurs moyens diminuer, ce fonds routier va aspirer des centaines de millions pour gaver un secteur qui n'en a absolument pas besoin.

 

Quelques susucres

Pour faire passer la pilule, la droite bourgeoise aux chambres fédérales a choisi d'inclure dans le paquet un volet «trafic d'agglomération» (le « TA » de FORTA), ce qui regroupe souvent aussi des infrastructures de transports publics ou de mobilité douce. En réalité, cette partie ne représente que 10% du total. C’est le ruban qui entoure un énorme paquet d’asphalte et de pollution! Ce ficelage habile permet donc un levier de chantage, alors qu'il aurait été tout à fait possible de créer un fonds pérenne pour les nécessaires projets d'agglomération qui soit déconnecté du financement des routes nationales.

De même, certaines localités sinistrées par le trafic de transit et attendant la construction des routes d'évitement seront tentées d'accepter le FORTA. Mais les mécanismes de financement démesurés mentionnés ci-dessus ne sont absolument pas nécessaires pour financer ces projets. De toute façon, sachant que la construction de davantage de routes génère toujours plus de trafic, une politique conséquente du point de vue écologique consisterait à refuser toute extension du réseau routier.

Et si une nouvelle route d'évitement s'avérait nécessaire ici ou là, le minimum devrait être, dans le même temps, d'exiger de réduire d'autant la capacité routière ailleurs sur le réseau. En effet, c'est là, avec un meilleur aménagement du territoire et un développement de transports publics efficaces et bon marché, le seul moyen d'en finir avec la croissance du trafic routier et des nuisances qui l'accompagnent.

 

Le climat: un détail?

Résumons: alors que cette année 2016 marque un moment clé de l'accélération visible de la catastrophe climatique – records de température moyenne explosés, jusqu'à 20° C en plus de la normale en Arctique au mois de novembre, relâchement de méthane par la fonte du permafrost sibérien – la Suisse, pourtant engagée par les accords de la COP 21, s'apprête à signer un gigantesque chèque au trafic routier, principal émetteur de CO2 du pays!

Si l'on prenait vraiment au sérieux la crise écologique, c'est un fonds pour le démantèlement des routes et autoroutes inutiles qu'il faudrait mettre en place, avec un financement pour la transition vers les transports publics et la renaturation des espaces aujourd'hui sinistrés par le bétonnage. Alors que nous fonçons déjà dans le mur, la droite nous propose d'appuyer sur l'accélérateur avec un projet qui n'est pas seulement «déséquilibré»… mais fondamentalement néfaste et inacceptable.