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Le 5 juin prochain, les citoyen·ne·s suisses sont appelé·e·s à se prononcer sur une énième révision de la loi sur l'asile (LAsi). Cette votation, nous dit-on, oppose deux camps, Mme Sommaruga qui aurait réussi un compromis satisfaisant et l'UDC qui a lancé le référendum sur fond de mensonges éhontés. Nous estimons qu'il y a un troisième camp, un camp aux côtés des migrant·e·s, qui défend un véritable droit d'asile, un accueil digne, un camp qui résiste à la destruction des maigres droits restants et qui s'oppose à la xénophobie et au racisme de l'UDC. Ce camp devra dire doublement non le 5 juin.

 

Dans les faits, nous voterons sur deux révisions de la LAsi : d'une part la «restructuration» voulue par Mme Sommaruga, Cheffe du Département de justice et police (DFJP), votée au Parlement le 25 septembre 2015 ; d'autre part un arrêté urgent voté le 28 septembre 2012, dont la validité court jusqu'en 2019, que le DFJP veut faire entrer définitivement en vigueur. Ces deux modifications constituent l'une des plus formidables attaques contre le droit d'asile en Suisse, alors même qu'elles sont présentées comme un compromis acceptable face aux velléités de l'UDC.

De facto, elles vont bien plus loin que la réforme initiée par Blocher en 2006. En consacrant une logique concentrationnaire par la pérennisation des « Centres de la Confédération », elles vont provoquer un isolement sans précédent des requérant·e·s, rendant le travail des associations extrêmement difficile et l'intégration des personnes en procédure d'asile quasiment impossible. L'objectif à peine caché est bel et bien d'empêcher tout rapprochement entre population suisse et réfugié·e·s durant l'étude de leur demande, et de placer un maximum d'embûches dans leur quête pour trouver des soutiens juridiques ou citoyens.

Mais cette réforme constitue également une puissante mise en danger pour les migrant·e·s. En supprimant la possibilité de déposer des demandes d'asile dans les ambassades, fait qui favorise les parcours migratoires extrêmement dangereux et l'activité des passeurs, et en excluant la qualité de réfugié·e pour les déserteurs·euses « menacés de graves préjudices », cette loi d'asile va encore davantage exposer les personnes déjà menacées. Au lieu d'offrir protection aux personnes dans le besoin, le projet du DFJP souhaite simplement, au mépris de la vie des gens, réduire le nombre de demandes d'asile.

Un autre but de cette réforme pour Mme Sommaruga «est de trancher 60 % des demandes en 140 jours au lieu des quelque 700 que prennent aujourd'hui en moyenne les cas complexes» (Le Temps, 14.01.2016). Il ne faut pas s'y tromper : derrière l'accélération des procédures, c'est bien l'affaiblissement des droits des requérant·e·s et l'accélération des renvois qui se dissimulent à peine. A travers le durcissement des conditions administratives et juridiques, le resserrement des délais de procédures et de recours, la nouvelle loi veut simplement faire baisser le nombre d'admissions.
L'ensemble de ces mesures aura des con­sé­quences extrêmement graves sur la vie de milliers de personnes et provoquera notamment l'augmentation massive du passage dans la clandestinité des requérant·e·s. En effet, lors de la phase test de cette réforme, ces « disparitions » ont plus que triplé. Ainsi, cette réforme ne prévoit pas un droit d'asile plus efficace et mieux géré, mais cherche simplement à en durcir les conditions d'accès de manière inhumaine.

Alors que l'UDC entame sa campagne en dénonçant le fait de « donner un avocat à chaque candidat à l'asile », cette réforme essaie de vendre un réel simulacre d'aide juridique. Le·la requérant·e n'aura aucune liberté de choix sur la représentation juridique qui lui sera attribuée ; celle-ci sera déterminée par un organisme privé désigné par les autorités fédérales et contreviendra largement aux principes d'une justice démocratique. Le représentant attribué pourra par exemple décider, unilatéralement et contre l'avis de son·sa client·e, de ne pas recourir à une décision négative. Enfin, cette « représentation juridique » sera limitée aux procédures effectuées dans les centres de la Confédération, c'est-à-dire que les cas complexes attribués aux cantons n'en bénéficieront pas et devront agir par eux·elles-mêmes.

Ces quelques lignes ne sauraient suffire à illustrer pleinement l'ampleur des dégradations prévues par cette révision. Les quelques éléments évoqués n'en constituent que les aspects les plus révoltants, qui devraient à suffire à se battre pour le non et à démontrer le caractère mensonger des arguments de l'UDC.

Cependant, la nécessité de se mobiliser pour un non de gauche à cette réforme qui réduira durablement le droit d'asile va bien au-delà du texte proposé. Avec l'alignement du parti socialiste et de trop nombreuses associations derrière la position de la conseillère fédérale Sommaruga, c'est l'existence même d'un front de résistance pour un véritable droit d'asile qui est en péril. En n'offrant aucune alternative face à la xénophobie du parti agrarien et à la destruction du droit d'asile par les autorités fédérales, les acteurs qui invitent à voter oui ou blanc abandonnent le combat pour une autre politique d'asile.

Au contraire, nous devons articuler cette bataille avec les différentes mobilisations et luttes en cours, qu'il s'agisse de la lutte contre les renvois Dublin, de la mobilisation pour l'accueil de 50 000 réfugié·e·s, du combat pour des conditions d'accueil dignes pour les requérant·e·s ou encore des luttes anti-impérialistes. Ce n'est qu'en menant ces différentes batailles de front que nous pourrons porter une voix réellement différente, qui remette au centre des préoccupations la liberté de circulation et d'établissement pour toutes et tous!

La rédaction du journal solidaritéS