radio teleLa modification de la Loi sur la radio et la télévision fait suite au mandat donné par le Parlement au Conseil fédéral d'élaborer « un nouveau système pour le financement du service public à la radio et à la télévision ». Mais la nouvelle mouture de la loi entend également répondre aux nouveaux défis posés par l'évolution technologique des médias. En effet, de nombreuses terminologies sont aujourd'hui obsolètes et doivent être redéfinies.

Par exemple la notion « d'appareil de réception », autrefois définie seulement par la possession d'une radio ou/et d'une télévision ; aujourd'hui, un simple smartphone permet d'avoir accès à tous les contenus audio ou vidéo. La loi devait donc, à juste titre, être révisée sur certains points. Cette modification de loi ne nécessitait cependant pas l'aval du peuple, sauf que l'USAM lui a opposé un référendum, uniquement motivé par les changements du modèle de redevances (Art. 70, nouveau).

Le nouveau modèle prévoit en effet d'en finir avec les différentes échelles de redevances qui étaient appliquées selon la raison sociale de l'entreprise, sa répartition géographique (filiales et succursales), le nombre et l'utilisation d'appareils de réception en sa possession. En partant du principe que chaque citoyen-ne et chaque entreprise possède de facto un appareil de réception et un accès global sur tout le territoire, les différentes formes d'utilisation et la répartition géographique ne sont plus pertinentes comme facteur de perception des redevances. Pour remplacer ce système, le Conseil fédéral propose de percevoir la redevance sur la base du chiffre d'affaire annuel de chaque entreprise. Celle-ci sera en conséquence perçue pour chaque entreprise inscrite au registre de la TVA et qui déclare plus de 500'000 frs de chiffre d'affaire annuel. Peu importe que ce chiffre d'affaire ait été réalisé entièrement ou partiellement en Suisse.

Un référendum hypocrite

À la lumière de ces faits, le référendum de l'USAM apparaît comme particulièrement hypocrite et doit alors être combattu. En effet, l'USAM se fait le défenseur des PME, mais le Conseil fédéral, dans le souci de ne pas plomber l'activité des petites entreprises, notamment familiales, a fixé un montant minimum qui exonère, selon ses chiffres, 70% d'entre elles. Certes, si tout-le-monde est concerné, le projet de modification vise d'abord à faire diminuer le poids de la redevance sur les ménages et les petits commerces (Doris Leuthard a annoncé une diminution de 15%, en 2018 si la loi entre en vigueur). C'est clair, l'USAM défend ici les très grosses entreprises, les multinationales qui ont leur siège en Suisse, soit des contributeurs pour qui la redevance n'a aucun impact sur leur chiffre d'affaire. Ils ne sont ni du côté des PME, ni du côté des ménages et ce n'est pas nouveau.

Une loi forcément imparfaite

Une loi n'est jamais parfaite. Spécialement dans un domaine aussi susceptible d'évolution que les médias. Ainsi, nous pouvons émettre quelques critiques, notamment sur la dérive publicitaire (on se souvient ici que le TF avait débouté la SSR face aux télévisions françaises qui demandaient l'accès aux annonceurs suisses pour les publicités qu'ils diffusent dans notre pays) et la protection des données relatives à la perception. La nouvelle loi prévoit en effet, pour se calquer sur les pratiques européennes, de ne fixer aucune limite de temps publicitaire sur les chaînes privées du réseau. Seule la SSR et les chaînes liées au service public restent soumises à des quotas, inchangés dans la nouvelle loi. Quant à la protection des données, elle est bien encadrée, sauf que la loi permet la transmission de données personnelles (cryptées) entre services de l'État et « à des tiers » pour étude ou complément d'information relative à la perception. Ces éléments sont problématiques, mais à l'ère du cloud et du pay per view, la nouvelle loi offre de bons gardes-fous. On objectera volontiers que le tout publicitaire est une nuisance, mais on ne peut attendre d'une loi sur la radio et la télévision qu'elle bouleverse l'ordre établi de la mécanique de consommation, spécialement si elle en vit largement grâce aux annonceurs.

Enfin, la question de l'ouverture de nouvelles concessions radiotélévisées pose également le problème des contenus proposés aux spectateurs-trices. Car il ne faut pas l'oublier, la redevance est redistribuée selon une grille et les chaînes privées ne voient pas leur quote-part baisser dans la nouvelle répartition. Une augmentation des concessions privées va donc immanquablement réduire la part dévolue à la télévision du service public. À terme, il existe un risque de glissement vers une course à l'audimat face à une concurrence démultipliée. En revanche, il faut noter que la nouvelle loi prend désormais en charge les spectateurs-trices sous handicap en réservant un fonds, inexistant jusqu'ici et doté d'environ 2 millions de francs, pour assurer le sous-titrage systématique des émissions d'information.

Oui à cette modification de loi

En conséquence, solidaritéS appelle les citoyen-ne-s suisses à accepter cette modification de loi. Elle maintient la qualité et à la prééminence du service public, tout en réduisant la facture pour les petites entreprises, les individus et les familles. De plus, le nouveau modèle de perception est plus simple et ne permet plus aux multinationales et autres mammouths, sous d'autres formes déjà largement exonérés de ce qu'ils doivent, d'utiliser les failles du précédent système pour ne pas s'acquitter de la redevance. Ce projet est adapté à la réalité actuelles des médias, même s'il faudra rester vigilant sur l'évolution des contenus et la protection des données.

Le 14 juin prochain, c'est un OUI qu'on glisse dans l'urne !

Camille Pellaux