bonbardement

En réponse à l'expansion de l'Etat Islamique en Irak et en Syrie (EI), courant septembre, une coalition internationale s'est formée sous la direction des USA, avec la collaboration des Etats les plus autoritaires et inégalitaires de la région (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes Unis, etc.), pour bombarder l'Irak et la Syrie, avec le soutien de Bagdad et celui, plus tacite, de Damas. Premières cibles visées : les installations de pétrole et de gaz contrôlées par l'EI, qui lui permettaient d'engranger plus de 3 millions de dollars par jour.

 

Les bombardements de la coalition ne se limitent pas à l'EI, à d'autres djihadistes, comme Jabhat al Nusra (Al-Qaïda en Syrie), ou à des salafistes, comme Ahrar Sham, mais atteignent des civils et des installations indispensables aux populations : production électrique, silos de blé, etc. Pendant ce temps, l'EI a attaqué Kobani (Ain el Arab) et ses environs, au Nord-Est de la Syrie, occupant 67 villages et provoquant l'exode de plus de 160 000 vers la Turquie. Or cette agression n'a été freinée que par la résistance du PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan), qui n'a reçu au début aucun appui de la coalition.

Cette intervention « anti-terroriste » frappe indistinctement djihadistes, infrastructures civiles et ha­bi­tant·e·s, c'est pourquoi elle risque de renforcer le crédit de ces groupes qui vont en profiter pour se présenter comme seuls opposants à Assad et à l'impérialisme, cachant leur nature antidémocratique et sectaire. Les puissances occidentales et les régimes les plus conservateurs du Moyen-Orient, emmenés par l'Arabie Saoudite, essaient ainsi de rétablir leur hégémonie sur la région. De leur côté, l'Iran et la Russie saluent cette intervention, même s'ils se méfient de la coalition mise en place autour des USA. Les rivalités entre impérialistes et entre Etats voisins s'estompent, lorsque la stabilité de leur système de domination global semble menacé, ce qui prouve la futilité des analyses en termes de deux camps opposés.

Le régime Assad a accueilli ces bombardements comme un soulagement, puisqu'il voit en eux le moyen de retrouver une « légitimité » à l'Ouest, dans le cadre d'une alliance contre le terrorisme. On rappellera qu'il n'a commencé à cibler l'EI qu'à partir de la mi-août 2014, alors qu'auparavant il réservait ses attaques aux zones occupées par l'Armée Syrienne Libre (ASL) et les comités populaires. Cette donnée était connue de tous : des groupes islamistes qui en ont profité, mais aussi des forces de l'Opposition armée syrienne, de l'ASL, et de nombre d'organisations populaires pro-­révolution, qui considèrent pourtant ces nouveaux bombardements comme une violation de la souveraineté syrienne, et craignent qu'ils ne visent à mettre fin au processus révolutionnaire pour bétonner un ordre injuste et autoritaire à peine replâtré. Cette nouvelle intervention étrangère bénéficie avant tout aux forces principales de la contre-révolution : les régimes autoritaires et/ou confessionnels de Damas et de Bagdad, l'islam politique réactionnaire, les pétromonarchies du Golfe, l'Iran et les grandes puissances impérialistes, avant tout les USA, l'UE et la Russie.

Comment croire que l'on peut vaincre l'EI et ses semblables avec les moyens mêmes qui les ont engendrés? Ne sont-ils pas la conséquence, à la fois des régimes criminels de Assad, Saddam, al-Maliki, etc.), qui ont joué sur les divisions religieuses et ethniques pour diviser les populations, mais aussi de l'ingérence impérialiste (US, russe) et des puissance régionales (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie et Iran). En réalité, cette nouvelle coalition n'a pas pour objectif de renverser le régime assassin d'Assad. Tout au plus vise-t-elle à le remanier en l'associant aux secteurs pro-occidentaux de l'opposition syrienne, liés aux monarchies du Golfe.

Une banderole brandie par un manifestant d'Alep le disait ré­cemment : « La folie est de faire la même chose encore et encore et d'espérer des résultats différents (Albert Einstein), avec en dessous : Afghanistan 2001, Irak 2003, Syrie 2014 ». Encore des bombardements étrangers, alors que la solution est sociale et politique, qu'elle est au sol et qu'elle est entre les mains des peuples et des forces progressistes de la région (Syrie, Irak), dont les démocrates syriens et les organisations kurdes (alors que le PKK figure toujours sur les listes de terroristes des USA et de l'UE). Ce sont elles qu'il faut aider à se regrouper et qu'il faut soutenir par tous les moyens, sans conditions politiques, pour renforcer leur potentiel d'autodéfense populaire autour des objectifs de base de la révolution: démocratie, justice sociale et égalité. De notre côté, mobilisons-nous pour ouvrir nos frontières aux victimes de cette barbarie, en particulier aux bles­sé·e·s, qui cherchent à se réfugier en Europe et en Suisse.

Jean Batou & Joseph Daher