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Dans le cadre de la journée internationale de solidarité du 1er novembre avec la ville de Kobani, contre les attaques du groupe ultra-réactionnaire de l'Etat Islamique (EI), le mouvement solidaritéS apporte son soutien aux peuples kurde et arabe syrien en lutte pour leur libération et leur émancipation.

 

L'enjeu de Kobani

La ville de Kobani, en Syrie, est toujours assiégée et occupée à moitié par l'EI, qui veut s'en emparer depuis le lancement, le 16 septembre, de sa grande offensive sur cette région à majorité kurde de la Syrie. Plusieurs milliers de civils se trouvent encore dans certaines parties de la ville, tandis que, depuis le début, l'offensive de l'EI sur Kobani et les villages avoisinants a provoqué le départ forcé d'environ 200 000 personnes.

La ville serait d'ailleurs tombée depuis longtemps sans la résistance héroïque dirigée par l'Union démocratique kurde (PYD), une émanation Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) en Syrie, et ses forces militaires, les Unités de protection du peuple (YPG), à laquelle participent plusieurs bataillons de l'Armée Syrienne Libre (ASL). Le 19 octobre, cette alliance des forces kurdes avec des unités de l'ASL a été explicitement reconnue par l'YPG dans une importante déclaration : « Kobané constitue un tournant historique, son issue va dessiner l'avenir de la Syrie et de la lutte démocratique pour la liberté et la paix. [...] Cette résistance des YPG et des bataillons de l'ASL est suffisante pour vaincre EI [...] et la construction d'une Syrie démocratique et libre est la base de nos accords avec l'ASL. Nous croyons que la victoire de la révolution est liée au développement de ces relations entre les groupes rebelles et les forces vives de la patrie».

Kobani est le centre de l'un des trois cantons, avec Afrin et Cizre, qui forment ensemble le gouvernement autonome mis en place en novembre 2013, et dominé par le PYD. Ces trois régions de Rojava connaissant une forme d'autonomie intéressante à différents niveaux, notamment pour ce qui est des droits des femmes, de la participation des minorités et de la laïcité des institutions, permettant une plus grande participation des populations locales dans la gestion de leur société. Certes, ces avancées ne vont pas sans contradictions, liées à la domination du PYD et à certaines formes d'autoritarisme vis-à-vis d'autres groupes.

 

Soutien à l'auto-détermination du peuple kurde

Ceci dit, nous soutenons sans réserve le mouvement de libération national kurde dans sa lutte pour l'autodétermination en Irak, en Syrie, en Turquie et en Iran face à des Etats autoritaires qui les oppriment et les privent de leurs droits nationaux. De notre côté, nous demandons que le PKK soit immédiatement retiré des listes des organisations terroristes en Europe et ailleurs.

Nous dénonçons aussi l'hypocrisie de la coalition internationale dirigée par les USA, avec la collaboration des monarchies réactionnaires du Golfe, dont les bombardements n'ont pas permis l'arrêt de l'offensive de l'EI depuis le 23 septembre, alors qu'il se trouvait à soixante kilomètres de Kobani. Cela démontre à nouveau que cette intervention militaire n'a pas pour but d'aider les populations locales mais bien de maintenir la domination des Etats occidentaux sur toute la région, avec l'accord de l'impérialisme russe et des puissances régionales (Arabie Saoudite, Turquie, Iran), qu'elles soutiennent ou ne contestent pas l'intervention de la Coalition. Tous ces acteurs ont pour objectif de mettre fin aux processus révolutionnaires dans toute la région et de remettre en scelle des régimes autoritaires respectueux de leurs intérêts et non de ceux des masses populaires.

Nous dénonçons en particulier le gouvernement turc de l'AKP qui a démontré à nouveau son opposition à tout projet d'auto-détermination kurde qui remettrait en cause son autorité politique. Le gouvernement turc a ainsi mis dans le même sac les Kurdes du PKK-PYD et l'EI, en les qualifiant tous deux de terroristes. Le 13 octobre, des avions turcs ont bombardé des bases du PKK dans le sud-est de la Turquie, une première depuis le cessez-le-feu décrété par les rebelles kurdes en mars 2013. Dans la même optique, la Turquie a également empêché et empêche toujours les combattants du YPG de se rendre à Kobani pour aider les forces kurdes sur place, tandis qu'elle a accepté le passage symbolique de 150 combattants («peshmergas») kurdes d'Irak.

La chute de la ville de Kobani aux mains de l'EI constituerait une double défaite, pour l'auto-détermination du peuple kurde et pour la révolution syrienne, même si elle ne marquerait pas la fin de ces deux processus. Les régions autonomes à majorité kurde de Rojava sont en effet une conséquence directe de la révolution syrienne. Cette autonomie n'aurait jamais pu voir le jour sans le mouvement de masse des peuples de Syrie (Arabes, Kurdes et Assyriens ensemble) contre le régime criminel du clan Assad. Ce sont ces mêmes forces qui se sont opposées aux djihadistes réactionnaires qui ont attaqué et attaquent aujourd'hui les régions autonomes de Rojava. Aujourd'hui, des composantes de l'ASL et de l'YPG combattent côte à côte contre l'EI, tandis que de nombreuses manifestations de soutien à Kobani sont organisées par les révolutionnaires dans des villages et quartiers «libérés» de Syrie.

 

La révolution syrienne continue

Il faut enfin souligner la continuité des mobilisations populaires malgré la poursuite de guerre menée par le régime contre les révolutionnaires et les populations civiles. Ces dernières semaines, à Alep, des manifestations arboraient des slogans  comme «Notre révolution est une révolution populaire », tandis que dans la comme ville «libérée» de Kafranbel d'autres manifestant-e-s appelaient au retour à l'esprit de la révolution. À la base, les coordinations révolutionnaires continuent à avancer dans leurs discussions autour d'un programme démocratique et non confessionnel, vers une unification et une centralisation de leurs activités dans toute la Syrie.

La révolution des masses populaires de Syrie, arabes, kurdes et assyriennes, est la seule solution contre le communautarisme religieux et le chauvinisme national qui opprime les minorités. Il faut également souligner la participation à la résistance populaire, militaire et civile, des femmes kurdes et syrienne face à l'oppression du régime Assad et de l'EI.

L'auto-détermination du peuple kurde a été renforcée par la révolution syrienne et cela doit continuer. L'une nourrit l'autre et réciproquement. Une défaite du processus révolutionnaire syrien et de ses objectifs marquerait très probablement la fin de l'expérience des régions autonomes de Rojava et des espoirs du peuple kurde de décider de son propre avenir face à la coalition de plusieurs acteurs: les impérialismes occidentaux et russe, le nationalisme oppresseur turc et arabe, et les forces réactionnaires islamiques. C'est pourquoi nous devons nous opposer à toutes les tentatives de compromettre l'auto-détermination du peuple kurde et la révolution syrienne, car leurs destins sont profondément liés, que cela soit de la part du régime d'Assad, des forces islamiques réactionnaires, des différents impérialismes (américain, européen et russe) ou des puissances régionales (Arabie Saoudite, Qatar, Turquie et Iran).

Toutes les formes de la contre-révolution doivent être contrées parce qu'elles tendent à diviser et à affaiblir les classes populaires en instrumentalisant le communautarisme religieux et le racisme.

Vive la fraternité des peuples en lutte pour leur libération et leur émancipation !

Vive l'auto-détermination du peuple kurde !

Vive la révolution populaire syrienne !

Vive les peuples en lutte pour leurs droits démocratiques et sociaux !

 

solidaritéS (Suisse), 1er novembre 2014

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